Actualités

Qu’est-ce qui a convaincu la Wallonie d’approuver le CETA ?

Shares

Tenant tête, en tant qu’État fédéré de la Belgique, à l’ensemble des 28 États membres de l’Union Européenne (UE) ainsi qu’au Canada, la Wallonie a fini par céder en approuvant l’accord économique et commercial global (CETA). Cet épisode pourrait parfaitement résumer le mécanisme de prise de décisions de l’UE, notamment au sein du Conseil. En effet, la combinaison du caractère hétéroclite des identités constitutionnelles des États membres et la nécessité – même lorsqu’elle n’est pas requise – de l’unanimité au sein du Conseil, peut aboutir à un blocage imprévu mais systématiquement suivi d’un compromis ou, du moins, de simples garanties. L’approbation de la Wallonie, donnant les pleins pouvoirs à Bruxelles de signer le Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA), ne fait pas exception à cette règle.

Pourquoi la Wallonie a-t-elle pu bloquer le processus de signature ?

CETALa Constitution Belge prévoit, en son article 128, la possibilité pour les Parlements de Communauté ou de Région (entités fédérées de la Belgique) de régler les matières concernant « la coopération internationale, y compris la conclusion de traités« . Néanmoins, ces matières doivent faire parties des domaines de compétences attribuées aux Communautés ou Régions de la Belgique. Le CETA, harmonisant les normes sanitaires, environnementales et sociales afin de réduire les entraves techniques aux échanges mais surtout ouvrant les marchés publics entre le Canada et l’UE à tous les niveaux, y compris pour les administrations provinciales et régionales, est donc susceptible de toucher aux domaines de compétences de la Wallonie. S’il faut normalement attendre la procédure de ratification pour avoir l’aval de tous les niveaux de pouvoir concernés, ceux-ci ont été alarmés par la mise en place de dispositions transitoires de l’accord dès sa signature.

Ainsi les Parlements de la Wallonie, de Bruxelles-Capitale et de la Communauté francophone, ont refusé de donner au gouvernement fédéral les pleins pouvoirs requis afin d’adopter à l’unanimité la décision du Conseil autorisant l’UE de signer le CETA avec le Canada. L’unanimité étant requise, selon l’article 218 du traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE), pour ce type d’accord international, le moindre désaccord, même au niveau régional, est donc fatal.

S’il est juridiquement envisageable de bloquer cet accord de cette manière, il est impensable politiquement que la Wallonie à elle seule puisse empêcher la mise en place d’une gigantesque entreprise entre l’UE et le Canada qu’est un accord « OMC (Organisation Mondial du Commerce) au niveau régional ». Elle a dû pour cela se résoudre à accepter un compromis voire de simples garanties.

Moins qu’un compris, de simples garanties hypothétiques

Ce qui a surtout dissuadé la Wallonie d’approuver le CETA, c’est la mise en place par celui-ci du mécanisme d’arbitrage des litiges entre investisseurs et État institué en tribunal arbitral permanent appelé « Investment Court System » (ICS) qui permettra à un investisseur d’obtenir, d’un État partie, une législation permissive à un projet d’investissement, tel que l’extraction de gaz de schiste par exemple. C’est pourquoi, les Parlements récalcitrant en Belgique ont obtenu d’une part, la garantie que le Royaume sollicitera l’avis de la Cour de Justice de l’UE (CJUE) sur la compatibilité de ce mécanisme avec le droit européen. Cette garantie paraît offrir bien peu de gages puisque une fois entré dans l’ordonnancement juridique de l’UE, le CETA aura force obligatoire dès lors que « les accords conclus par l’Union lient les institutions de l’Union et les États membres » selon l’article 216 du TFUE. De plus, il s’agit d’un simple avis de la CJUE, ce qui ne permet pas d’assurer que les institutions de l’UE suivront la juridiction contrairement à une décision ayant autorité de la chose jugée. D’autre part, la déclaration interprétative – qui est davantage politique que juridique – assure aux États membres, que l’UE et le Canada devront élaborer « un code de conduite afin de garantir davantage l’impartialité des membres des tribunaux, leur méthode de travail, leur niveau de rémunération ainsi que leur processus de sélection« . En d’autres termes, une garantie classique accordée à n’importe quel tribunal normalement institué dans un État de droit. En outre, le président de la Commission Européenne lui-même, assure que « la substance du traité n’a aucunement changé. »

En plus d’être hypothétiques ces garanties ne modifient donc en rien l’accord négocié entre l’UE et le Canada. La Wallonie voulait confronter le droit constitutionnel belge à, ce que certains pourraient appeler, « la machine technocratique de l’Union Européenne », laissant le citoyen européen un nouvelle fois à l’écart du processus de décision.

Shares

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *