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Vers une monnaie unique au sein de la CEDEAO ?

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Rassemblés à Accra le 21 février dernier, les chefs d’Etats d’Afrique de l’Ouest ont annoncé la concrétisation du projet de monnaie unique au sein de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest) d’ici 2020. Quels sont les enjeux autour du franchissement d’une nouvelle étape de l’intégration régionale ?    

Objectifs du projet : la monnaie unique comme panacée ?

Le projet est annoncé pour 2020

Créée en 1975, la CEDEAO s’est fixée pour mission de promouvoir la coopération et l’intégration en Afrique de l’Ouest. Elle vise ainsi la cohérence et la stabilité régionale. Dès lors, l’instauration d’une monnaie commune s’inscrit dans une dynamique logique. En effet, les travaux sur les zones monétaires optimales de Robert Mundell révèlent les conditions nécessaires à un tel projet, comme ses possibles bénéfices : une monnaie unique sera ainsi profitable à un ensemble de pays aux économies convergentes, ouvertes, formant un tissu productif diversifié où règne la libre-circulation des facteurs de production. En ce sens, un tarif extérieur commun est en vigueur depuis 2015. De même, la carte d’identité biométrique commune a été lancée en 2016 pour favoriser les migrations.

D’autre part, la monnaie commune est perçue comme une étape dans le développement régional. Elle assurerait une cohérence au marché commun de la CEDEAO, où les monnaies actuelles sont peu convertibles et très volatiles. Ce gage de stabilité permettrait de plus d’aligner les politiques économiques de la région, et d’utiliser l’instrument monétaire en conséquence.

Un bloc régional lézardé

Cependant, de nombreuses divisions fragmentent l’unité de la CEDEAO. Tout d’abord, elle englobe l’UEOMA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine), qui dispose de son propre tarif extérieur commun (TEC) et de sa monnaie unique – le franc CFA. Celle-ci assure d’ores et déjà la stabilité monétaire à ses membres, en échange de l’abandon de la souveraineté, puisqu’il est imprimé en France et lié à l’euro. Récemment, le président Macron s’est déclaré favorable à un « élargissement du périmètre » du franc CFA. Le projet de monnaie unique de la CEDEAO aura donc un concurrent historique à défaire.

Par ailleurs, les divergences économiques, culturelles et politiques existantes au sein de l’organisation régionale sont sources de dysfonctionnements majeurs. Par exemple, seuls 9 Etats membres appliquent le TEC signé en 2015. La Guinée Bissau ou le Cap vert  ne peuvent le faire car les textes officiels ne sont pas disponibles en portugais (l’anglais et le français dominent la zone) ! En outre, l’idée de l’ECO, monnaie unique pour la CEDEAO, est officiellement considérée depuis 2000, sans résultats apparents. D’abord annoncée pour 2009, sa concrétisation a ensuite été reportée en raison des retards de convergence des Etats. L’enjeu du récent sommet d’Accra était donc de définir précisément ces critères de convergence ; ils doivent encore être remplis par le Nigéria (24e puissance économique mondiale selon le FMI) et 10 PMA (comme le Togo, le Libéria, le Burkina Faso…).

Toutefois, en parallèle du dossier d’intégration monétaire, la CEDEAO doit assurer sa stabilité politique. Celle-ci est menacée par la multiplicité des groupements terroristes qui entretiennent de forts liens mutuels. L’organisation régionale, qui avait été décriée dans sa gestion des processus de transition démocratique en Guinée (2009) et en Côte d’Ivoire (2012) est aujourd’hui impuissante face à AQMI au Mali, ou Boko Haram au Nigéria. Elle doit surmonter ce défi si elle veut s’affranchir des tutelles étrangères et se développer.

 

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