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Brexit : rebondissements à répétition au Royaume-Uni

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L’épopée britannique pour sortir de l’Union européenne, plus communément appelée Brexit, nous a habitué à d’incroyables rebondissements. Pourtant, ils ont rarement été condensés sur une période aussi courte que cette dernière quinzaine. En quelques jours une décision de la Commission électorale, un vote décisif au Parlement, et la démission de deux ministres clés ont constitué des ruptures importantes dans le déroulement du Brexit. 

La Première ministre britannique a bien failli connaître ses dernières heures à Downing Street

Tout a commencé à Chequers, le 6 juillet dernier. Le gouvernement, rassemblé autour Theresa May, la Première ministre britannique, a dans un premier temps, accepté la nouvelle offre rédigé à l’adresse des Européens dans le cadre des négociations de sortie. Ce nouveau plan constitue un changement de ligne pour Theresa May. Jusqu’ici, elle s’est appuyée principalement sur l’aile dure de son parti, ceux qui avait ouvertement fait campagne pour le Brexit. Ainsi, elle préconisait une rupture totale avec l’Union européenne. Le plan présenté à Chequers prévoit la création d’une zone de libre-échange de part et d’autre de la Manche concernant les marchandises et les produits agricoles.

Un geste vers les pro-Européens qui a déplu à David Davis, ministre du Brexit, et Boris Johnson, ministre des Affaires étrangères, qui ont rendu leur démission deux jours plus tard. Les deux ministres représentaient l’aile dure du gouvernement et étaient parmi les figures les plus emblématiques de la campagne du référendum.

Les partisans d’un maintien d’une forte relation avec l’UE auraient pu sembler renforcés, mais un instant seulement. Le 17 juillet, un amendement est rejeté de justesse (307 contre 301) à Winchester. Déposé par un conservateur pro-européen, il avait pour but d’obliger Theresa May à négocier une union douanière avec l’UE au cas où elle n’aurait rien obtenu d’autres d’ici janvier 2019. Les pro-Brexit sortent donc renforcés, il ont toujours la main au Parlement, et leur pouvoir reste important.

Cependant, le même jour, la Commission électorale britannique a condamné Vote Leave, la principale association ayant mené la campagne pour le Brexit, à une amende de 61 000 £ pour avoir maquillé ses comptes de campagne. Une décision qui va largement dans le sens de ceux qui réclament la tenue d’un nouveau référendum car ils considèrent que le premier a connu des irrégularités, comme celles dénoncées par Christopher Wyllie, le lanceur d’alerte de l’affaire Cambridge Analytica.

Rien de nouveau sous le soleil européen

Toutes ces péripéties pourraient être considérées comme utiles voire nécessaires si elles faisaient avancer la négociation avec l’UE, mais ce n’est pas le cas. Les négociateurs européens commencent à exprimer leurs désaccords face aux nouvelles propositions de May pour cause de Cherry Picking (appelé aussi « Europe à la carte » c’est à dire souhaiter bénéficier des avantages sans en assumer les responsabilités). En effet l’un des points essentiels, du point de vue de l’UE, est que les quatre libertés fondamentales (libre circulation des capitaux, marchandises, services, et personnes) sont indissociables. Or, en proposant une zone de libre échange uniquement pour les marchandises, le gouvernement britannique demande à profiter d’une des libertés sans avoir à assumer les trois autres.

Il s’avère que la stratégie de Theresa May, qui est grande difficulté depuis son arrivée à Downing Street, n’était pas si mauvaise. Son parti étant divisé entre pro et anti Brexit, elle est obligée de tirer des bords pour maintenir un cap acceptable par tout le monde. Il lui a suffi de tirer un peu plus vers les anti Brexit pour subir d’importantes conséquences au sein de son gouvernement sans pour autant se voir accorder les faveurs des 27. Elle ne semble avoir d’autres choix que d’honorer le résultat du référendum en réclamant une rupture nette d’avec l’Union, bien que les conséquences économiques en seront plus importantes.

Conséquence de cette courte et riche période politique, de part et d’autre de la Manche on se prépare plus que jamais à un No Deal, c’est à dire à une absence d’accord à la fin des négociations, qui aboutirait à une relation commerciale uniquement régit par les règles de l’OMC. Cet horizon, qui apparaissait jusque là comme une menace exagérée des Britanniques, commence à prendre forme à mesure que l’échéance approche (octobre 2018). Dramatique pour les deux parties, cette absence d’accord matérialiserait l’échec de la négociation et consacrerait toutes les tentatives de Theresa May comme du temps (précieux) perdu.

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Jordi LAFON

Journaliste indépendant et analyste géopolitique, diplômé d'un double master géoéconomie (IRIS) et affaires européennes (Paris 8), membre du Groupe d'Etudes Géopolitique. Spécialiste du Brexit et des questions européennes.

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