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L’Asian African Growth Corridor : dernier avatar de la course à la puissance en Asie

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En marge de la tournée impériale de Xi Jinping en Afrique, Narendra Modi s’est rendu au Rwanda, en Ouganda et en Afrique du Sud. Le choix de ces trois pays, tout autant que le moment choisi pour effectuer ces visites, révèle les ambitions géopolitiques indiennes sur le continent africain. Le projet « Asia-Africa Growth Corridor » (AAGC), conçu avec le Japon, doit permettre de contrecarrer l’influence grandissante de la Chine sur ce nouveau théâtre de la course à la puissance asiatique.    

La main mise de la Chine en Afrique 

Narendra Modi et Shinzo Abe

La Chine dispose d’une influence grandissante en Afrique. Tout d’abord ses besoins en matières premières en font une des principales importatrices des produits du continent. Elle compte ainsi pour 10% des exportations africaines. D’autre part, elle participe a des nombreux projets de création d’infrastructures. A titre d’exemple, elle a offert son siège à l’Union africaine en 2012. Enfin, son modèle économique est repris par de nombreux pays. Le Rwanda notamment s’est rallié au Consensus de Pékin qui défend une émergence économique grâce à un modèle politique autoritaire. L’Afrique symbolise donc la prise de poids géopolitique chinoise.

L’histoire du corridor 

Par conséquent, l’Inde et le Japon entendent concurrencer leur rival asiatique sur ce nouveau terrain de jeu. Le projet de l’Asia-Africa Growth Corridor est donc évoqué en 2017  afin de proposer une alternative à l’initiative OBOR chinoise. Il ambitionne de valoriser des routes maritimes, seule interface entre les puissances asiatiques et l’Afrique. Ainsi, les ports indiens et ceux en Asie du Sud-Est où l’Inde et le Japon détiennent des parts stratégiques seront reliés avec les ports africains sur la façade Pacifique. Pour cela, les deux puissances asiatiques proposent de financer des réseaux industriels en Afrique afin de mieux desservir les ports. Le projet concernerait en priorité l’agriculture, la santé et la gestion des risques.

Deux approches complémentaires 

La force du potentiel partenariat indo-japonais réside dans sa combinaison de deux apports stratégiques. Le Japon dispose d’une part d’un savoir faire reconnu pour la construction d’infrastructures. Il possède donc à la fois un savoir-faire et une importante capacité de financement. D’autre part, l’Inde connait particulièrement bien les marchés africains grâce à la diaspora indienne présente sur le continent. Elle utilise en outre un levier historique. L’Inde a en effet constamment soutenu la démocratie contre le colonialisme, ce qui lui assure un certain écho. Dès lors, les deux rivaux asiatiques de la Chine exploitent une opportunité : ils associent leurs forces afin de compter sur les marchés émergents africains.

Des projets concrets

L’AAGC s’appuierait ainsi sur plusieurs réalisations. Il concernerait d’abord les ports de Chabahar en Iran et de Dawai au Myanmar. Ces deux ports sont respectivement financés par des groupes indiens et japonais. Ils constituent, de fait, une réponse au « collier de perle » chinois. En outre, plusieurs corridors ferroviaires ont déjà été construits grâce à l’aide japonaise en Afrique. C’est notamment le cas du Nacala Corridor au Mozambique.

Si l’AAGC en est encore au stade de projet, il n’aura certainement pas la même ampleur que l’initiative OBOR du rival chinois. Toutefois, il témoigne de la volonté indo-japonaise de s’associer afin de compter dans la course à la puissance en Asie. Alors que le multilatéralisme semble en panne, ce type d’initiatives, centrées sur la connexion à l’aide d’infrastructures pourrait donc s’imposer comme l’avenir des relations commerciales.

 

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