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Les élections cambodgiennes confirment la toute puissance de Hun Sen

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Ce dimanche 29 juillet, les élections législatives ont renouvelé les 125 sièges de l’Assemblée nationale cambodgienne. Avec le Sénat, elle représente le pouvoir législatif cambodgien. Il s’agissait d’une échéance d’importance, le roi – le Cambodge est une monarchie parlementaire – choisissant le Premier Ministre parmi les députés du parti dominant. Les résultats ont été sans surprise, confirmant la dérive autoritaire du régime de Hun Sen depuis 33 ans.

Hun Sen, Premier Ministre cambodgien.
Hun Sen, Premier Ministre cambodgien.

Le Parti du peuple cambodgien a remporté l’élection, prolongeant à nouveau les trois décennies de pouvoir de Hun Sen. Une victoire plus qu’écrasante, puisque le PPC remporte l’ensemble des 125 sièges. Le scrutin et la campagne avaient fait débat jusqu’à l’international, Hun Sen et son gouvernement ayant muselé l’opposition et notamment le Parti du sauvetage national du Cambodge. Cette coalition entre le parti de Sam Rainsy – exilé en France pour échapper à une condamnation dans son pays – et le parti des Droits de l’Homme représentait un réel danger pour le PPC.

Une crise sociale cambodgienne qui bénéficie à l’opposition

En 2013, la crise sociale au Cambodge prend de l’ampleur. Les travailleurs de l’industrie textile manifestent pour une augmentation du salaire minimum et une amélioration de leurs conditions de travail extrêmement précaires. Ce secteur représente 70 % des exportations cambodgiennes et 650 000 ouvriers. Ces manifestations ont été durement réprimées par le pouvoir.

Les élections législatives de cette année-là bénéficient à l’opposition et voient le PSNC obtenir 44,34 % des voix, contre 49 % pour le parti de Hun Sen[1]. Si l’opposition a contesté ces résultats en invoquant des irrégularités, le score n’en restait pas moins menaçant pour le PPC.

Hun Sen ou la culture de la peur

Ceci, ajouté aux affaires de corruption, d’expropriations de paysans afin de vendre les terres à de grands groupes dans d’obscures conditions, a achevé de lasser la population. Deux tiers des 16 millions de Cambodgiens ont moins de 30 ans et aspirent à une vie plus confortable. Le gouvernement a ainsi mis en œuvre une stratégie de muselage de l’opposition et de la presse afin de conserver le contrôle sur les informations délivrées.

En parallèle, Hun Sen utilise sa longévité pour promouvoir une stabilité politique garante de paix. En effet, le traumatisme des années 70 et des Khmers rouges est toujours présent chez une partie de la population. Le gouvernement joue donc sur une certaine culture de la peur. Il brandit la menace d’une guerre civile si cette stabilité politique n’était pas maintenue. Le Premier Ministre a aussi bénéficié des voix de ceux qui profitent de la croissance cambodgienne qui a décollé depuis le milieu des années 90[2].

Ces élections cambodgiennes ont ainsi été sans surprise, avec la victoire d’un parti ayant contrôlé la campagne et brisé l’opposition. Mais la population accepte de moins en moins ces agissements, et la crise sociale risque de durement s’aggraver.

[1] IRASEC, L’Asie du Sud-Est 2015, bilan, enjeux et perspectives, éditions Les Indes Savantes et IRASEC, 2015.

[2] PÉRIÉ Jessy, « Hun Sen, encore ? », Le grand continent, 25 février 2018.

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Jessy PÉRIÉ

Diplômée d'un Master 2 en Géopolitique et prospective à l'IRIS, Jessy Périé est analyste géopolitique et journaliste, spécialisée sur la zone Asie orientale. Elle s'intéresse particulièrement aux questions de politique extérieure chinoise et japonaise.

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