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La résurrection de l’idéologie nationale grâce à la crise

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Comme les stars en une de Closer, les grandes idées géopolitiques n’ont le droit qu’à une existence éphémère. A peine ont-elles scintillé qu’elles sont vouées à disparaître, dissimulées par le voile d’une autre idée, plus en phase avec l’actualité.

Depuis 30 ans, les « mondialistes » monopolisaient le trône de la bien-pensance.  Les bénis oui-oui du sans frontiérisme, de la paix dans le monde reprenaient à tue tête les déclamations des grands esprits de l’époque : le « village global » de McLuhan, la « terre plate » de Friedman, la « fin de l’Histoire » de Fukuyama. Aveuglés par leur idéologie, tous pensaient le triomphe du libéralisme dans les esprits mondiaux. De l’Occident à l’Orient, partout des prêchi-prêcha condamnaient la géopolitique à la mort. Ils réussissaient, par un tour de passe-passe splendide, à voir dans le triomphe du libéralisme la renaissance de l’idéal « international » et fraternel du communisme. L’union du libéralisme et du communisme marquant la fin de la guerre froide annonçait l’unité du monde. Les frontières s’estomperaient. L’humanité tendrait enfin vers la paix. On nous demandait la transcendance : aller « trans », au-delà, d’une frontière de l’esprit. L’ouverture. L’adaptation. L’écoute. Le dialogue.

Quel résultat ? Des frontières qui n’ont jamais été si nombreuses. Pis : elles se matérialisent progressivement en  murs, front infranchissable, à la fois matériel et immatériel. Des guerres, certes moins nombreuses, mais plus sanguinaires que jamais. Ajoutons que la durée moyenne des conflits n’a jamais été si longue, que les cas de règlement pacifique sont de moins en moins nombreux et les budgets militaires pris à un niveau mondial ont augmenté considérablement depuis 2000.

Pour penser ce paradoxe, nombreux furent les américains, néo-conservateurs pour la plupart, à prophétiser le « choc des civilisations ». Huntington en fit une marque de fabrique : les Occidentaux, unis derrière les USA, partent en croisade contre d’autres civilisations aux visées hégémoniques (Chine et Moyen-Orient).  Penser le monde en civilisation ou faire comme si l’Europe et les Etats-Unis avaient un destin lié ; comme si le Moyen-Orient ne connaissait pas des tensions religieuses intrinsèques ; comme si la Chine était avant tout une puissance asiatique avant d’être une puissance mondiale.

Ces deux idées phares de la fin des années 1990 et du début des années 2000 ont volé en éclat depuis 2007. La crise a remis les pendules à l’heure : le libéralisme défaille, les réactions ont été égoïstement nationales et les défilés des mastodontes de la géopolitique, fiers de leurs gros bras, ont succédé aux sommets diplomatiques pacifistes et utopistes. Le Moyen-Orient s’est révolté et aspire à la démocratie, chasse l’islamisme radical pour un islamisme conservateur, inspiré d’un Atatürk, ardent patriote turc et conscient du « fait national ». Ce qui ressort, sans doute, de la crise, c’est la primauté géopolitique des aspirations nationales. Aspirations héroïquement défendues par les résistants de Damas et du Caire. Aspirations tristement révélées à des technocrates bruxellois englués dans leur supranationalisme depuis des décennies.

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