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L’attentat de Benghazi révèle le combat des chefs islamistes, modérés contre extremistes

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Alors que les cendres de l’ambassade américaine de Libye, consumée dans la nuit de mardi par un incendie meurtrier, rejoignent les restes de notre brève exaltation démocratique de l’année précédente dans l’urne de nos illusions, les tensions restent palpables partout au Maghreb-Machrek. Et pour cause : la vidéo caricaturant outrageusement la vie du prophète Mahomet, publiée il y a plus d’un mois aux USA mais re-médiatisée en pleine campagne américaine, a ravivé les rancœurs des islamistes les plus fanatiques partout dans le monde. Après la Libye, l’Egypte, le Yémen, le Bangladesh font face à des manifestations violentes contre les temples diplomatiques américains. Et bientôt le Pakistan, l’Afghanistan, l’Inde et l’Indonésie.

Toutefois, les respirations singultueuses des analystes occidentaux face à ce regain de violence inouï dans des pays dont nous ne parlions plus depuis des semaines  empêchent tout recul critique. Il est vrai que le crépitement des flammes sur les murs barricadés d’une des plus hautes institutions de la Libye en reconstruction a impressionné le monde entier : les islamistes lancèrent un défi monumental aux USA après le visionnage de cette caricature dénoncée du prophète Mahomet. Tout comme ils l’avaient fait en 2005 après la publication dans un journal au Danemark d’un dessin représentant le prophète. Les rues arabes s’emplirent alors de chevaliers de la foi venus rappeler au reste du monde leur exigence de respect et l’Occident appela « la rue arabe » à s’apaiser. Pourtant, ils ne furent que quelques milliers. Quelques milliers d’hommes engagés par des partis pour hausser le ton et critiquer les Etats-Unis, protecteur d’Israël, l’éternel ennemi. Par la force de leur acte ces manifestants compensèrent la faiblesse de leur voix. Quelques milliers d’hommes retenus surtout pour peser dans les phases de transition politique. En 2005, les Frères musulmans concoctèrent ces manifestations pour peser lors de la transition annoncée du régime de Moubarak. En 2005, en Syrie, le gouvernement d’Assad poussa la foule à détruire l’ambassade française, revanche contre la politique hostile d’un Chirac à l’égard de l’assassin de son ami Hariri.

Aujourd’hui ressemble à hier. Les manifestants, peu nombreux mais violents, n’agissent pas de leur propre chef : en Egypte, il faut voir à la manœuvre les salafistes, en lutte acharnée contre les Frères musulmans ; en Libye, les islamistes radicaux tenus par Aqmi ont rassemblé certaines tribus et contrôlent par la violence depuis des semaines la région de Benghazi (à n’en pas douter, le coup était préparé de longue date). Les plus radicaux tentent d’imposer leur vue et par ces coups médiatiques essaient d’aviver les passions religieuses de la foule pour débarquer au pouvoir.

L’inquiétude est réelle tant les violences impressionnent. Mais il ne faudrait guère oublier que l’antiaméricanisme n’est pas ici la finalité : il n’est qu’un outil. Ces flèches enflammées par l’anti-occidentalisme, tirées par les islamistes les plus radicaux, visent les islamistes modérés, accusés de compromission avec l’ennemi maintenant qu’ils sont au pouvoir. Le printemps arabe entre dans sa seconde phase : une lutte entre l’islamisme modéré et démocratique aujourd’hui au pouvoir, et l’islamisme fanatique et terroriste.

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