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La Libye : deux ans après la chute de Kadhafi, le règne des milices

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Le 23 octobre 2011, les rebelles libyens annonçaient, quelques jours après la découverte du corps de M. Kadhafi à Syrte, la libération du pays. La fin de la guerre a néanmoins laissé le pays dans une situation vulnérable à plusieurs points de vue.

Politiquement, le pays demeure instable. L’absence d’Etat central est marqué par la permanence à sa tête d’un gouvernement transitoire et l’absence d’une feuille de route claire pour la reconstruction. Si la tenue des premières élections démocratiques libres de juillet 2012 et la victoire des libéraux avait fait espérer une évolution positive, l’absence d’avancée institutionnelle a permis le développement de milices qui gangrènent aujourd’hui le pays.  La ville de Benghazi , bastion de l’opposition, connait une forte criminalité et le chef de la police militaire, M. Al-Barghathi, premier officier à former un groupe de combattants contre les forces de M. Kadhafi en 2011, y a été abattu le 18 octobre. De même, le Premier Ministre, Ali Zeidan, avait été enlevé le 10 octobre par un ancien groupe de rebelles, reprochant à ce dernier la capture d’un membre d’Al-Qaida, Abou Anas Al-Libi, sur le sol libyen. Cet enlèvement avait été revendiqué par la Chambre des révolutionnaires de Libye, une milice constituée d’ex-rebelles.

La prolifération de milices et la faiblesse des autorités de transition empêchent toute dynamique de reconstruction économique et institutionnelle

Selon Human Rights Watch, une cinquantaine d’assassinats à caractère politique a été recensée entre mi-2012 et mi-2013, sans que des enquêtes ou des arrestations aient eu lieu, faute de moyens. Certains regrettent ainsi la stabilité et la sécurité qui régnaient avant la révolution tandis que les groupes et milices armées ne cessent de s’affronter et que les autorités de transition peinent à mettre sur pied des forces de sécurité. Si certaines milices ont été cooptées par le gouvernement pour des tâches de police ou de défense (plus de 200 000 personnes), nombre d’entre elles demeurent incontrôlables. Cette solution d’intégration a été préférée la démobilisation des forces afin d’éviter l’évolution vers une guerre civile. Elle semble néanmoins montrer ses limites en ce qu’elle a permis le développement de groupes armés opposés à l’Etat avec des logiques propres, djihadistes ou mafieuses. De plus, celles intégrées par l’Etat ne sont que formellement sous son contrôle et continuent à obéir à leur chefs militaires ou aux responsables politiques dont elles dépendent. Fin 2012, des manifestations et des actions civiles ponctuelles ont tenté de contrer les milices, mais leur manque d’organisation et de moyens ont limité la portée de leurs actions. A ces nombreuses milices (plus de 300 unités selon l’IFRI), s’ajoute une importante porosité des frontières. Les pays occidentaux craignent ainsi que l’extrême sud du désert libyen ne soit devenu le nouveau sanctuaire d’al-Qaïda, et plus généralement une « somalisation » du pays. 

Le pays n’a par ailleurs pas connu une dynamique de  reconstruction et de croissance, malgré l’importance de ses matières premières. Les grands chantiers de construction sont à l’abandon et la production de pétrole a diminué de moitié. Le pétrole, qui représente 65% du PIB libyen et 95% de ses revenus, semble être le dernier rempart avant la faillite de l’Etat, même s’il a été la source de velléités séparatistes comme l’a illustré en juin la proclamation d’indépendance de la Cyrénaïque, région riche en pétrole située à l’est du pays. Les perspectives d’amélioration s’offrant à la Libye paraissent ainsi réduites. Seules des élections largement acceptées sources d’institutions stables et un démantèlement des structures armées infra-étatiques pourront constituer une première étape vers la création d’un Etat, sinon fort, au moins efficient. Si les autorités déclarent que le peuple pourrait être appelé à voter en décembre afin d’élire une Assemblée Constituante, les conditions favorables à des élections libres et transparentes ne semblent pas aujourd’hui réunies.

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