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Au Sud-Soudan, le spectre de la guerre civile

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Des combats qui opposent depuis dimanche 16 décembre des factions rivales de l’armée ont fait entre 400 et 500 morts au Sud-Soudan. Ces violences ont débuté après l’annonce du président Salva Kiir de l’échec d’une tentative de coup d’Etat qui aurait été menée par Riek Machar, ancien vice-président. Depuis, la capitale Juba est le théâtre d’importantes violences : selon la Mission des Nations Unies au Sud-Soudan (Minuss) elles auraient fait plus de 800 blessés et conduit au déplacement de 10 000 réfugiés.

Ces combats mettent en lumière des rivalités antérieures à l’indépendance du pays. Les camps rivaux au sein du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM, ex-branche politique de la rébellion, désormais parti au pouvoir) s’affrontent via des unités de l’Armée populaire de libération du Soudan (SPLA, ex-rébellion devenue armée nationale). Malgré l’existence d’un antagonisme entre Salva Kiir et Riek Machar, limogé de la vice-présidence en juillet, de nombreux observateurs mettent en doute la réalité d’une tentative de coup d’Etat. Riek Machar est une figure controversée au dans le pays, notamment pour avoir tenté de renverser la direction historique de la SPLA durant la guerre civile , avant de faire défection et de s’allier un temps à Khartoum puis de réintégrer les rangs rebelles au début des années 2000. Cette annonce serait ainsi plutôt une stratégie politique afin de renforcer l’image de Salva Kiir en l’opposant à celle de Riek Machar en vue des élections de 2015. La portée de ces déclarations et le nombre de morts font néanmoins craindre une dégradation plus large et une extension des combats à l’ensemble du pays.

Ces nouvelles violences font resurgir les vieux démons du pays et attestent des difficultés auxquelles il fait face depuis son indépendance 

Les divisions qui minent le pays ne sont pas uniquement politiques, elles sont aussi ethniques. Salva Kiir est originaire de l’ethnie majoritaire les Dinkas. Cette dernière monopolise les postes de commandement au sein de la SPLA, tandis que Riek Machar est issu de la tribu Nuer, qui constitue une part importante de la troupe. Lors de la sécession de 1991, les troupes de Riek Machar ont massacré environ 2 000 Dinkas dans la localité de Bor (sud est du pays). L’esprit de revanche et le risque d’ethnicisation du conflit a notamment été souligné par la Minuss. Les bases de l’ONU ont ainsi accueilli de nombreux réfugiés depuis le début des affrontements faisant état de violences à l’encontre la communauté Nuer à Juba. Ainsi au-delà de la gestion de la situation actuelle, il s’agit à plus long terme de susciter une réelle cohésion au sein du pays afin d’éviter l’instrumentalisation des tensions ethniques anciennes à des fins politiques. Le refus de nombreux hauts dirigeants de participer au Conseil de libération nationale, reporté plusieurs fois depuis l’indépendance, constitue par ailleurs un obstacle à une réorganisation du parti et à une réorientation de ses objectifs post-indépendance. Deux ans après son indépendance, le pays semble toujours lutter pour sa survie alors que les promesses du président Salva Kirr sont restées lettre morte, que les violations des droits de l’homme se sont multipliées et que des tensions perdurent avec Khartoum. Si le pays n’est pas à proprement dit un Etat failli, la faiblesse de la construction étatique et les nouvelles tensions qui le secouent tendent à le rapprocher un peu plus de ce statut.

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