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Quelles perspectives pour le pétrole libyen ?

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La Libye est connue pour ses vastes réserves en pétrole. Elles permirent un fort développement et promurent des ambitions régionales grâce à la constitution d’un fond souverain, la Libyan Investment Authority, estimé à environ 70 milliards $ début 2011. Or, cette même année vit le déclenchement de la guerre civile en Libye qui conduisit au renversement du régime de Kadhafi et perturba fortement, par la même occasion, la production d’hydrocarbures. Depuis la chute, des milices islamistes, indépendantistes berbères ou des groupes profitant de l’absence d’État fort, empêchent la création d’institutions. L’attaque du consulat américain à Benghazi en septembre 2012 ou l’enlèvement du 1er ministre Ali Zeidan en octobre 2013 témoignent du chaos de l’après Kadhafi. Le pétrole est une composante essentielle dans la reconstruction de l’état libyen cependant il est la première cible des milices.

I / Le pétrole en Libye 

Le pays, membre de l’OPEP, possède les plus importantes réserves du continent africain soit 48 milliards de barils avec, bien que l’indicateur ne soit pas entièrement fiable, un ratio R/P à 86,9. En 2008 la Libye produisait 1.920.000 bpj d’un brut de grande qualité. Les gisements, en plus d’être situés à de faibles profondeurs, se situent près du littoral ce qui facilite l’acheminement vers les ports. Cependant, près de 80% des réserves se situent dans le bassin de Sirte, à l’est du pays, ce qui présente d’importants risques sécuritaires… En 2012, la Libye exporte son brut à 71% vers l’Europe dont 23% vers l’Italie. La Chine exporte pour 12% du brut libyen et les Etats-Unis, après la levée de sanctions en 2004, reprennent les importations de brut libyen dans une faible mesure ; 4% des exportations libyennes. Le pays présente un secteur pétrolier en manque de technologies du fait de l’embargo et des nombreuses menaces de nationalisation lancées par Kadhafi sur le modèle de 1972. Ainsi la National Oil Company (NOC) appela à développer des capacités de récupération qui pourraient permettre la récupération d’environ 775.000 bpj de plus. C ‘était avant la guerre civile…

II / L’après Kadhafi pour l’industrie pétrolière libyenne

Les évènements de 2011 frappèrent durement l’industrie pétrolière du pays qui vit cette année la production d’hydrocarbures chuter de 62% par rapport à 2010. La production atteignit ainsi 479.000 bpj en 2011. Après la fin du régime Kadhafi, la production reprit pour atteindre 1.509.000 bpj. Mais les manifestations qui touchèrent les ports et raffineries dès l’été 2013 nuisirent de nouveau à la production qui atteignit un seuil extrêmement préoccupant de 250.000 bpj. Le blocage des ports empêchait l’exportation du pétrole et provoquait de ce fait un engorgement des capacités de stockage. Aujourd’hui la production a de nouveau baissée (155.000 bpj) du fait de nombreuses tensions politiques dans le pays. Or, les revenus pétroliers représentent près de 96% des revenus de l’état libyen. Le retour à une production d’avant crise et la normalisation de la situation politique sont donc intimement liés.

III / Les liens étroits sécurité & pétrole 

Les infrastructures énergétiques sont largement ciblées par les milices et plus largement, l’insécurité ambiante fait fuir investisseurs et travailleurs. La Chine par exemple rapatria en 2011 près de 29.000 de ses ressortissants dont une grande partie travaillant dans le secteur pétrolier. La contrebande de pétrole est également, comme en Syrie, utilisée à des fins de financement par les milices. Le Morning Glory, tanker battant pavillon nord-coréen quitta le port d’As Sidra, tenu par des milices, en possession d’une cargaison de brut appartenant à la NOC. Les autorités libyennes, dépassées par les évènements, proposant même de bombarder le navire créant ainsi une catastrophe écologique, durent attendre l’intervention des US NavySeals, au large de Chypre. Actuellement, les groupes séparatistes contestent l’autorité du nouveau Premier Ministre Ahmed Maiteeq et réclament l’indépendance de la Cyrénaïque. Un homme semble vouloir faire renaitre un État fort. Le général Khalifa Haftan, proche de la CIA et ayant vécu près de 20 années aux Etats-Unis lança, fin mai, une offensive contre Ansar al Sharia autour de Benghazi. En partie inspiré par son voisin égyptien, le général Al-Sisi, il tente de renverser le statut quo en faveur de l’État de droit afin de mettre un terme au chaos ambiant.

L’action du général Haftan va être décisive sur le plan sécuritaire et donc de la reprise de la production et des exportations. Mais attention, quid des conséquences ; ne va t’il pas, par son activisme contre les milices islamistes, polariser un front séparatiste à l’est du pays ? Va t’il mettre en place une meilleure redistribution des revenus pétroliers à l’est ? Enfin, une intervention étrangère –doit on interpréter le retour d’Haftan comme un engagement américain dans le cadre de la doctrine du light footprint ?- permettrait un renforcement de l’armée. Si un cadre sécuritaire propice aux activités économiques est réinstauré, il faudra espérer que l’OPEP accepte d’augmenter les quotas libyens afin de financer la reconstruction du pays.

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