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Omar el-Béchir : de la difficulté d’agir en Afrique pour la CPI

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Après un court suspense, le président soudanais Omar el-Béchir a quitté l’Afrique du Sud sans encombre. Un évènement symbolisant la difficulté croissante de l’action de la Cour pénale internationale (CPI) sur le continent africain.

Omar el-Béchir, président du Soudan depuis 1993
Omar el-Béchir, président du Soudan depuis 1993
Omar el-Béchir fait l’objet de deux mandats d’arrêts de la CPI, émis en 2009 et 2010, pour crimes de guerres, crimes contre l’humanité et possible génocide. Le sommet de l’Union africaine (UA) à Johannesburg, qui se déroulait du 7 au 15 Juin dernier, était l’occasion pour la CPI de procéder à son arrestation avec la coopération des autorités sud-africaines. Si Béchir n’a pu effectuer qu’un passage éclair au sommet de l’UA, il a réussi toutefois à repartir sans être inquiété de Johannesburg.

La CPI avait pourtant formulé auprès du gouvernement sud-africain le 26 Mai une demande d’arrestation du président soudanais. Mais d’emblée le gouvernement publiait un décret garantissant l’immunité de tous les chefs d’Etat africains présents au sommet. Une ONG locale saisit alors la Haute Cour de Pretoria, qui ordonna son arrestation, mais Béchir avait déjà décollé. Un véritable pied de nez de l’UA à la CPI, qui symbolise bien les tensions entre les deux institutions.

Cette décision du président Zuma peut se comprendre ainsi : le choix de la solidarité entre membres de l’UA ; le climat de défiance des autorités africaines en général vis-à-vis de la CPI ; la volonté de donner l’image d’une Afrique aux Africains. Alors que le président zimbabwéen, Robert Mugabe, incite les États africains à quitter la CPI, l’affaire Béchir prouve à quel point la CPI a de plus en plus de mal à exercer son autorité en Afrique.

La CPI face à son manque de légitimité et aux intérêts des États

La CPI fait face en Afrique au problème classique de tout organe supranational voulant porter atteinte à la souveraineté des États. De plus, elle fait face depuis quelque temps à l’accusation d’être « raciste » car toutes les enquêtes ouvertes en cours et les condamnations ne concernent que des Africains. Il est courant de lire dans la presse africaine que la CPI est un instrument néo-colonial, qu’elle sert les intérêts des occidentaux. Bien que la CPI se défende en affirmant qu’elle mène également des enquêtes préliminaires en Ukraine, en Colombie, en Irak et ailleurs, elle n’arrive pas à gagner la crédibilité d’un organe de justice réellement indépendant. Particulièrement comme on peut le voir actuellement en Syrie, où les membres du Conseil de sécurité de l’ONU profitent de leur véto pour bloquer toutes procédures de la CPI.

La poursuite d’Omar el-Béchir accompagnée de celle de l’exécutif kényan (bien que le président Kenyatta ait obtenu un non-lieu en Décembre 2014) rend de plus en plus compliqué les rapports entre la CPI et l’UA. L’UA a d’ailleurs décidé de contourner la CPI en entérinant au sommet de Malabo en Juillet 2014 la création d’une Cour africaine de justice et des droits de l’homme afin de donner une justice africaine aux africains. Si le projet peut paraitre légitime, il reste que cette Cour de justice fait face aux mêmes faiblesses que la CPI en étant soumise aux intérêts politiques des États.

Dans le cas d’Omar el-Béchir, la realpolitik l’emporte évidemment. Président autoritaire bénéficiant toutefois d’un certain soutien populaire, il apparait comme indispensable à la stabilité d’une région de l’Afrique en proie au chaos. L’éthique de la justice ne semble pas en position aujourd’hui pour pouvoir l’emporter sur le pragmatisme de la géopolitique.

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