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Sud-Soudan : entre désillusions et lutte de pouvoir, une guerre civile inévitable ?

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Le plus jeune état du monde a connu en ce début du mois de juillet trois des jours les plus noirs de son histoire ; entre le 8 et le 11 juillet les affrontements entre les forces loyalistes du président Salva Kiir et celles de son rival le vice-président Riek Machar ont fait au moins 300 morts. Un cessé le feu à été décrété et semble être respecté dans la capitale mais le reste du pays reste en proie à des violences.

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Richesses et enjeux du Sud-Soudan.

Une lutte de pouvoir sur fond ethnique et économique

Le Soudan du Sud qui a arraché son indépendance en 2011, se détachant du nord arabophone, après vingt ans de guerre civile et des millions de morts connaît une lutte sanglante depuis 2013 entre les différentes factions au pouvoir. Le président Salva Kiir et son vice président Riek Machar qui avaient jusque ici travaillé et combattu main dans la main à travers le Mouvement populaire de libération du Soudan (MPLS) se trouvent aujourd’hui engagés dans un affrontement à mort depuis que M. Kiir, soupçonnant M. Machar de vouloir le renverser, l’écarta du pouvoir fin 2013.
Le 14 décembre 2013, les combats éclatent entre les deux factions dans la capitale Djouba. Le 16 décembre les forces loyalistes déjouent un coup d’état. Les forces de M. Machar vont obliger des compagnies pétrolières chinoise, malaisienne et indienne à quitter le pays.

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Le conflit Sud-soudanais en bref

Le Sud-Soudan est un état pétrolier qui attire de nombreuses entreprises mais aiguise aussi les appétits au sein de l’élite du pays. En cinq ans on estime à 5 milliards de dollars les pertes liées aux détournements effectués par les dirigeants. Les ressources en hydrocarbures, la générosité des aides internationales et des investisseurs étrangers du fait de la virginité politico-économique du nouvel état n’ont fait qu’attiser les velléités individualistes et les intérêts personnels des faiseurs de l’indépendance. Cette conjoncture économique représente une grande partie des causes du conflit.
Un autre argument ressort, celui d’une lutte ethnique entre les Dinkas de M. Kiir et les Nuers de M. Machar. Cependant, l’analyse du conflit et des enjeux qui en sont véritablement le cœur nous indique que l’affrontement ethnique n’est pas la cause mais plutôt la conséquence de la crise politique et des immenses ressources qu’elle renferme. Ainsi les dignitaires des deux ethnies, tous proches du pouvoir et des cercles d’influences, ont intérêt à attiser les tensions entre les membres Dinkas et Nuers. La solidarité raciale faisant son travail, l’instrumentalisation des populations donnt aux rivaux une force de frappe décuplée. Cette analyse est celle que l’on peut lire chez des auteurs et journalistes comme Seidik Abba, directeur de l’agence panafricaine d’information. Ici l’ethnie devient un moyen d’accéder au pouvoir, quitte à faire massacrer des milliers de personnes (entre 50 000 et 300 000 – source AFP/ Le Monde).

Les intellectuels et responsables du continent dénoncent aujourd’hui l’absence de réaction des puissances occidentales et appellent à une résolution africaine du problème africain ; malgré un mandat international avec l’envoi de 13 000 casques bleus sur place, la situation paraît s’envenimer à mesure que les semaines passent. C’est aussi le difficile constat de l’impuissance de l’ONU qui, sur le terrain, observe les massacres et les guerres (ce n’est pas sans nous rappeler le génocide du Rwanda ou la guerre du Darfour). Les pressions internationales, émanant des inquiétudes du commerce pétrolier, semblent pour l’instant maintenir le conflit encore loin de ce qui pourrait s’apparenter à un génocide. De plus le le Soudan voisin se félicite de la situation de son voisin du sud, avec ce conflit comme preuve d’une indépendance ratée et finalement impensable. La crise du Sud-Soudan n’est finalement que le microcosme d’un « mal africain » ; les puissances régionales ne sachant comment réagir – alors que l’Éthiopie ou l’Égypte sont des puissances militaires – et la communauté internationale ne proposant des solutions qu’à court terme, avec des accords de paix fragiles et incertains.
C’est le néo-colonialisme que les intellectuels et dirigeants africains rejettent aujourd’hui, blâmant les luttes d’intérêts des grandes industries occidentales et asiatiques sur le continent africain. Ils appellent à une résolution interne du conflit, mettant en cause l’incapacité des organisations internationales à maintenir la paix. Cette crise, dans son caractère de récurrence et, une nouvelle fois, d’éclairage probant des problématiques qui dirigent les crises africaines, sera peut être celle de la remise en question de certaines instances, du dialogue et d’une véritable solution vers une paix durable.

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