Péninsule arabiqueProche et Moyen-Orient

Yémen : le Vietnam de Riyad ?

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C’est une intervention qui devait être rapide et décisive et elle dure depuis maintenant un an et demi.  Le bombardement d’une cérémonie d’enterrement samedi 8 octobre dernier à Sanaa, et qui a fait 140 morts et 525 blessés, marque une nouvelle étape dans l’enlisement de la situation. Le conflit au Yémen, guerre par procuration entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, marque-t-il le début d’un conflit d’une décennie dont l’Arabie Saoudite ne pourrait se sortir ?

La situation actuelle résulte du départ du pouvoir du président Saleh en 2012 suite aux événements du printemps arabe. Les nouvelles élections ont porté au pouvoir un gouvernement pro-sunnite, mené par Abd Rabbo Mansour Hadi, alors que celui de Saleh était pro-chiite. Les chiites de la région appartenant à la mouvance houthiste (située au nord du pays), se sont alors rebellés contre les sunnites situés plus au sud du pays. Soutenus par l’Iran, puissance chiite de la région cherchant à rétablir son influence sur cet Etat limitrophe de l’Arabie Saoudite et contrôlant l’accès à la mer Rouge. Les rebelles ont pris Sanaa en septembre 2014 puis Aden en mars 2015 forçant le gouvernement à trouver refuge en Arabie Saoudite qui est intervenue en menant une coalition de pays arabes pour reprendre le contrôle du pays. Les opérations ont fait environ 10 000 morts depuis mars 2015 sans que la situation n’évolue de manière notable et en violant plusieurs fois des cessez-le-feu négociés entre-temps.  Les groupes terroristes Al-Qaeda et Daesh ont évidemment sauté sur l’occasion pour accélérer leur recrutement et déployer leurs opérations sur le terrain. Al-Qaeda pour la péninsule arabique est la principale succursale d’Al-Qaeda dans le monde.

Nous sommes donc dans un conflit dit « proxy-war » comme nous avons pu le connaître durant la Guerre Froide en opposant cette fois-ci l’Iran et l’Arabie Saoudite sur un terrain qui oppose à l’origine deux factions locales. Sauf que cette fois-ci s’ajoute la dimension religieuse : chiite/sunnite ; et politique : république islamique/monarchie. Toute résolution est d’autant plus difficile que le pays est juste une unification administrative de tribus que l’on ne peut pas réellement faire s’entendre.

La grande différence d’avec la Guerre Froide est que cette dernière reposait sur la menace de la destruction mutuelle assurée, ce qui n’est pas le cas ici.

Et cet élément est décisif car il limitait l’intervention directe des protagonistes de peur de déclencher les frappes adverses. En revanche, ce conflit ressemble à la guerre du Vietnam car l’un des deux grands, en l’occurrence les Etats-Unis, s’était directement impliqué comme le fait aujourd’hui l’Arabie Saoudite.  L’absence de menace de destruction immédiate de la part de Téhéran fait que Riyad semble surtout tester son matériel de guerre et ses troupes sur le terrain yéménite en entraînant avec elle ses alliés. Les américains qui sont furieux de la tournure que prend les événements, condamnent ses actions sans pour autant pouvoir sanctionner directement cet allié commercial, militaire, énergétique et stratégique dans la région. Face à des tribus houthistes bien équipées par l’Iran et indélogeable (et même en progression), l’Arabie Saoudite se retrouve exactement comme les Etats-Unis au Vietnam ou en Afghanistan : enlisés dans une guerre asymétrique malgré, voire à cause de, un équipement de pointe.  Riyad ne l’a pas encore remarqué mais elle est partie pour rester au Yémen un bon bout de temps.

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