Actualités

Vers un nouveau conflit au Darfour ?

Shares
Milice armée du Darfour

Le 27 novembre dernier, Moussa Hilal était arrêté au Soudan, après un assaut qui aurait fait une trentaine de victimes. L’arrestation de ce chef de guerre, recruteur et dirigeant de la milice tristement célèbre des janjaweeds soudanais, risque de conduire à un nouveau conflit au Darfour.

Le Darfour, une région à pacifier

La situation du Darfour est complexe et résulte de plusieurs facteurs. Le Darfour est souvent divisé en deux grandes entités, les tribus qui se définissent comme arabes et celles qui se définissent comme africaines (Four, Zaghawa…). Ces définitions ne sont pas fondées sur une réelle séparation ethnique mais ont une importance dans les imaginaires locaux, en particulier lorsqu’elles sont exacerbées. L’arrivée de migrants fuyant les conflits ou les sécheresses augmente la population dans cette région désertique où les puits sont une ressource importante. De plus, la gestion de ces puits et autres ressources répondait à une structure sociale spécifique, bouleversée par l’arrivée de ces nouveaux migrants.

Les conflits extérieurs ont également une importance, notamment la conquête du pouvoir au Tchad, voisin, dans les années 1980. Pour ne prendre qu’un seul exemple, les Zaghawa soudanais ont soutenu les Zaghawa tchadiens, tribu dont fait partie l’actuel dirigeant du Tchad Idriss Déby. Lorsque les Zaghawa soudanais retournent au Darfour, ils sont armés. Le colonel Kadhafi a également en son temps tenté de s’implanter au Darfour en créant une milice locale arabe. L’armement des différents groupes tribaux, dont l’équilibre social est déjà précaire, a amené à des conflits locaux, puis à un conflit contre le gouvernement. Alors que le Soudan devait déjà faire face au conflit au sud, c’est désormais l’ouest qui avait de revendications indépendantistes.

Khartoum a alors eu recours à des milices, nommées janjaweeds, dans le but de terroriser ses opposants. Moussa Hilal en a été l’un des principaux chefs, recrutant en particulier dans les tribus arabes dont il est lui même issu, ce qui a donné l’impression erronée, mais instrumentalisée comme telle, qu’il s’agissait d’un conflit entre Arabes et Africains. Suite à des négociations en 2006 à Abuja puis en 2011 à Doha, une normalisation est convenue et la paix semblait être revenue.

Moussa Hilal, un allié ou un ennemi?

Moussa Hilal est alors intégré au gouvernement d’Omar El-Bechir. Tous deux sont accusés de crime contre l’humanité pour la répression au Darfour. Omar El-Bechir ne peut pas extrader le chef de guerre pour qu’il soit jugé, car ce dernier se retournerait contre son ancien protecteur et pourrait divulguer des informations compromettantes. Dans le même temps, les négociations continuent avec les groupes d’opposition du Darfour. Un statut doit être trouvé pour la région, et c’est le statu quo qui est adopté par référendum en 2016. Il était question d’autonomie du Darfour mais nullement d’indépendance. En revanche, entre 2011 et 2013, le Sud-Soudan déclare sa propre indépendance, reconnue par Khartoum. Si le tracé de la frontière amène à un conflit entre Soudan et Sud-Soudan, Omar El-Bechir a pratiquement réussi à stabiliser son pays. Il est désormais temps de trouver un compromis avec la communauté internationale pour lever les sanctions économiques sur le Soudan.

Cependant afin de parachever une stabilisation totale, il faut désarmer les milices, ce que Moussa Hilal refuse. Il quitte alors le gouvernement en 2014, se retranche dans le Darfour du Nord, dans son fief de Kabkabiya. Chef des Mahamid, clan de l’ethnie Rizeigat, il prétend défendre les droits des populations arabes locales oubliées du gouvernement. Avec son parti nouvellement créé, le Conseil Révolutionnaire du Réveil Soudanais, il entre dans l’opposition et n’exclut par la lutte armée. Son arrestation le 27 novembre dernier ne risque pas de calmer pas la situation. Certains craignent un conflit entre tribus arabes au Darfour, entre pro-gouvernements et pro-Hilal, tandis qu’un nouveau conflit risque de fragiliser à nouveau le pouvoir soudanais, sans oublier le rôle des milices issues des tribus africaines et autres groupes insurgés du Darfour , qui seront, à un moment ou un autre, impliqués dans les nouvelles tensions.

Shares

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *