Proche et Moyen-Orient

L’AfPak : deux pays, une même réalité

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Désormais, les experts en stratégie et en géopolitique américains font de l’Afghanistan et du Pakistan une seule et même entité : l’AfPak. D’un côté, l’Afghanistan, tour à tour convoité par les deux « Grands » du XXe siècle, l’Union Soviétique puis les Etats-Unis, sans que jamais ceux-ci ne réussissent à le coloniser ; de l’autre , le Pakistan, champ de bataille permanent, pris entre deux feux à ses frontières, avec l’Inde d’une part, et plus récemment avec les frères pachtouns afghans.

Premièrement, l’Afghanistan. Les Soviétiques y cherchaient une route vers les mers du Sud, les Américains Ben Laden. Ils n’y ont trouvé qu’une guérilla contrôlant actuellement les deux tiers du territoire, au sein d’un pays où le chef d’Etat se comporte en chef de tribu traditionnel.

Il est difficile néanmoins de savoir de quoi l’avenir proche du pays peut être fait. L’enlisement des forces de l’OTAN (surtout américaines) représente un coût majeur, à la fois pour les Afghans et pour les pays engagés. Barack Obama, s’il veut être réélu l’an prochain, doit pouvoir ramener les soldats au pays avant les élections. Cependant, il ne pourra pas affirmer que le « job has been done », tant la stabilisation militaire du pays apparaît comme une lubie. Le tribalisme règne en maître sur le pays, et il y a fort à parier qu’une fois les forces occidentales parties, les taliban, venus de leur base arrière du Baloutchistan, délaisseront quelque peu les montagnes pakistanaises pour reprendre le pouvoir perdu en 2001 contre les forces occidentales (à l’aide, ou non, du Pakistan).

L’ « heartland » de nouveau au cœur des intérêts géopolitiques mondiaux

Le Pakistan, justement. Le paradoxe depuis des années est le suivant : comment peut-on demander à l’armée pakistanaise, composée en majorité de pachtouns, d’aller combattre d’autres pachtouns (car le mouvement Taleb est principalement constitué de pachtouns), en Afghanistan, sous les pressions américaines ? Le président actuel, Ali Zardari, veuf de Benazir Bhutto, n’est en réalité que le chef de l’armée de Terre. C’est bien le Général Kayani avec qui les Américains traitent prioritairement, en tant que chef des armées. En attendant, l’avenir pakistanais dépend de celui de son voisin afghan. Il veut continuer à être le deuxième récipient d’aide américaine, tout en attendant le départ des Occidentaux d’Afghanistan pour se l’approprier.

Néanmoins, l’épisode Ben Laden a changé la donne, et nul doute que les contradictions internes et le comportement face aux Etats-Unis sont les deux principaux dangers guettant le pouvoir pakistanais. Certains avancent même la thèse selon laquelle c’est en réalité la réaction des Pakistanais à la mort de Ben Laden qui poussent les soldats américains à battre en retraite. Et n’oublions pas le conflit rampant avec l’Inde, qui se mue de plus en plus en opposition nucléaire2.

Ainsi, les thèses de Halford J. MacKinder restent d’actualité. Celui qui domine le centre de l’île mondiale (le fameux « heartland »), et notamment le sud de celui-ci (l’Afpak, sans oublier évidemment le voisin iranien, probable futur arbitre de la destinée géopolitique de la région) détient la clé de la puissance mondiale. L’avenir nous dira quelle sera cette puissance dominante.

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