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L’Egypte : 60 ans après le coup d’Etat de 1952, l’armée renverse Morsi (2/2)

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(suite) Nasser hante toujours les rêves égyptiens. Aujourd’hui encore partagé par une large frange de la population, en particulier les fellahs de la vallée du Nil, ce nationalisme est une variable déterminante du coup d’Etat égyptien du 03 juillet 2012. La complaisance de Morsi envers les USA dans l’optique de relancer les investissements des grandes compagnies américaines, son double-jeu entre Iran, Syrie d’un côté et Qatar de l’autre, sa mollesse ressentie contre Israël laissent un goût amer aux partisans de la Grande Egypte, nostalgiques de l’époque pharaonienne. Les rêves d’une troisième voie nassériste s’éclipsent face à la realpolitik d’El Sadate, de Moubarak puis de Morsi. Du reste, la récente crise avec l’Ethiopie a sonné comme un ultime avertissement. Le 28 mai 2012, l’Ethiopie prend la décision unilatérale d’ériger le barrage de la Renaissance sur le Nil et remet ainsi en cause le traité sur le partage du Nil de 1959 (accordant, il est vrai, l’essentiel du débit à l’Egypte). Panique générale à l’état-major égyptien. Morsi et l’armée veulent bombarder la zone. Mais ils finissent par céder et signent un accord bipartite pour gagner du temps. Humiliée par son voisin du Sud-Est, l’Egypte s’enfonce dans l’insignifiance et le régime de Morsi, plein de promesses économiques et nationales, démontre à sa population son incapacité à changer le cours des choses. Les miséreux fellahs, profondément nassériens, se lancent à l’assaut d’un pouvoir vacillant et unissent leur voix à celle de l’armée et des libéraux. Le pouvoir devient minoritaire et tombe.

C’est cette conjonction de trois crises (politique, économique et nationale) qui a permis l’union des trois irréconciliables : riches libéraux-occidentalistes, souvent urbains, qui rêvent de démocratie ; fellahs du Sud, nassériens et miséreux, et armée, divisée entre partisans de l’aide américaine, islamistes et nationalistes. Réunis contre l’islamisme des Frères musulmans au pouvoir et de leurs alliés salafistes, ils ont convaincu les militaires d’intervenir et de se retirer immédiatement. Mais comment concilier les partisans du rapprochement avec l’Occident, de l’alliance américaine et les panarabes nassériens ?

Les Egyptiens doivent choisir entre la voie « el Sadate » et le rêve de Nasser sous l’arbitrage des Frères musulmans, comme en 1952 ils durent choisir entre le roi Farouk 1er et Nasser avec les mêmes arbitres… Union circonstancielle qui ne règle aucun problème mais risque de créer bien plus d’incertitudes dans un pays en proie à une crise économique périlleuse. Les coups d’Etat de 1952 et de 2012, à quelques jours d’intervalle, multiplient les points communs. Mais, comme le dit Karl Marx, « l’Histoire ne se répète pas, elle bégaie. »

Début de l’article : https://les-yeux-du-monde.fr/actualite/afrique-moyen-orient/maghreb/14348-l-egypte-soixante-ans-apres-le-coup-d-etat-de-1952-l-armee-renverse-morsi

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