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Kurdistan, quelle réalité ?

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« Je m’étonne de la destinée que Dieu a réservé aux Kurdes. Ces Kurdes qui par le sabre conquirent si souvent la gloire pour se retrouver au final privés d’empire et dominés par leurs voisins. » Ce triste résumé de l’histoire Kurde peut être lu dans une épopée kurde écrite en 1692 nommée Mem-o-Zin.

Le projet d’indépendance du Kurdistan est-il viable ?

Le rêve d’un Kurdistan a semblé devenir réalité dans les années 1920 après l’effondrement de l’Empire ottoman et le Traité de Sèvres. Les demandes Kurdes d’alors semblaient extravagantes : un État indépendant de la Méditerranée au Golfe Persique. Le traité ne fut jamais appliqué. Aujourd’hui, les Kurdes peuvent encore espérer, comme il y a un siècle, que la guerre puisse amener à un Kurdistan indépendant. Car l’histoire du Kurdistan et du peuple kurde s’inscrit dans la lutte perpétuelle contre leurs belliqueux voisins.

Une indépendance semble, en ce mois d’octobre 2017, plus que jamais une possibilité, et l’hypothèse qu’un conflit éclate pour l’obtenir est lui aussi plausible. Aujourd’hui, les Kurdes sont réparties entre 4 pays : la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie. Dans ces quatre pays, les Kurdes ont longtemps été ou demeurent encore des « non-citoyens ».

En Syrie d’abord, où le père de Bachar, Afez el-Hassad, va déporter et exécuter en 1970 des milliers de Kurdes de la frontière Syro-Turque. En Turquie aussi, où dès la chute de l’Empire ottoman et la constitution d’un État-nation au début du 20ème siècle, les minorités ethniques et religieuses vont être ciblés pour faire de la Turquie « l’Etat des seuls Turcs » selon la volonté de Mustafa Kemal. Seront ciblés les Arméniens, les Juifs, les Chrétiens, les Grecs du Pont et les Kurdes. En Irak, leur sort ne sera pas différent : Saddam Hussein va massacrer des milliers de Kurdes des régions du nord à l’aide d’armes chimiques. C’est en profitant de l’état de décomposition du pays après l’invasion américaine, que les Kurdes obtiendront une région autonome, reconnue par la constitution irakienne en 2005.

La question de la fiabilité du projet indépendantiste

A l’initiative du président du Kurdistan irakien, Massoud Barzani, un référendum portant sur la création d’un Kurdistan indépendant de Bagdad est organisé le 25 septembre dernier. Comme en 2005, les Kurdes ne peuvent que profiter de l’état de recomposition dans lequel se trouve l’État Irakien afin de pouvoir faire évoluer le statut de la province autonome en un État souverain.

Si une grande partie du paysage politique kurde semble être favorable à un Kurdistan indépendant, il apparaît que les dissensions et guerres de partis peuvent poser problème au sein d’un jeune État. Le PDK (Parti démocratique du Kurdistan) de l’actuel président kurde et l’UPK (Union patriotique du Kurdistan) dirigé par Jalal Talabani, qui a été président de l’Irak de 2005 à 2014, se sont livrés une guerre civile entre 1994 et 1996. Cette fracture partisane existe toujours et chaque parti possède un territoire qui lui est historiquement attaché ainsi que des forces de sécurités armées. Ces querelles semblent noircir le tableau d’un peuple Kurde uni et interroge sur la viabilité d’une indépendance dans un climat tendu et le retour des forces combattantes kurdes dans leur foyer.

Si les querelles internes semblent pouvoir devenir un problème à posteriori de l’hypothétique indépendance, il reste qu’un conflit ante indépendance avec l’État irakien semble lui aussi possible. La Cour Suprême irakienne a ordonné, le 18 septembre dernier, la suspension du scrutin du 25 septembre. Le Premier ministre a aussi prévenu que l’Irak était prêt à intervenir militairement en cas de violence en marge du possible vote. Malgré cela, le scrutin a été maintenu.En effet, quel serait le résultat d’une telle intervention ? Il semble qu’aujourd’hui, le rapport de force entre les troupes kurdes et les troupes irakiennes n’est pas favorable aux troupes gouvernementales. En effet, l’armée irakienne a perdu de nombreux blindés et  soldats, et n’a pu résister aux jihadistes de L’EI que grâce aux nombreuses milices chiites « pilotées » par le voisin iranien.

Cependant, encore une fois, la communauté internationale ne semble pas favorable à une indépendance kurde, ou du moins pas dans le contexte actuel. Jean-Yves Le Drian a qualifié d’« inopportune » l’initiative kurde et a appelé a résoudre la question par le dialogue, position partagée par les voisins de l’Irak et ses principaux partenaires internationaux. De plus, afin d’empêcher les déplacements de populations kurdes favorables à l’indépendance et une contagion dans leur pays, Ankara et Téhéran ont décidé de fermer leur frontière avec le Kurdistan irakien, geler les échanges et soutenir l’État Irakien. Les Kurdes sont ainsi totalement isolés sur la scène internationale et même encerclés par des puissances n’ayant aucun intérêt à l’indépendance, bien au contraire.

 

 

 

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