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Rétrospective 2017 : le Liban et la (fausse) démission de Saad Hariri

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Le Premier ministre libanais, Saad Hariri

L’année 2017 aura été porteuse de nombreux défis pour le Liban, carrefour d’influences multiples, qui continue de subir de plein fouet la situation chaotique d’un Moyen-Orient en ébullition. A ce titre, la démission du Premier ministre Saad Hariri depuis Riyad, le 4 novembre dernier, a fait craindre l’effondrement d’un système politique fragile. Néanmoins, devant l’unité de circonstance de la classe politique libanaise et grâce à la médiation française, Saad Hariri a finalement suspendu sa démission et réintégré ses fonctions, à la demande du président Aoun.

Le système politique libanais, un équilibre fragile…

La vie politique libanaise repose sur un équilibre précaire. Elle s’organise autour du Statut organique de 1926 – modifié par les Accords de Taëf d’octobre 1989 – qui prévoit un système multiconfessionnel. Les sièges du parlement sont attribués sur des bases confessionnelles tandis que les postes clefs du pays sont partagés entre un président maronite, un premier ministre sunnite et un président de l’assemblée chiite. Propice aux blocages, en attestent les 29 mois de vacance présidentielle entre mai 2014 et octobre 2016, ce système doit garantir une égale représentation des confessions libanaises mais nécessite obligatoirement un compromis entre les différentes communautés. Alors que le Moyen-Orient dans son ensemble pâtit aujourd’hui d’une confessionnalisation croissante des conflits et des tensions, l’instrumentalisation du facteur religieux par les puissances et les acteurs non étatiques régionaux exacerbe les tensions intercommunautaires, affaiblissant de fait le compromis politique à l’œuvre au Pays du Cèdre. Plusieurs mouvements politiques libanais, dont Courant du Futur, composante principale du mouvement souverainiste du 14 mars, et le Hezbollah, prennent ainsi position en se servant d’une grille de lecture confessionnelle afin de rassembler les sunnites ou les chiites sous leur drapeau. C’est dans ce contexte tendu que la démission de Saad Hariri a fait craindre l’éclatement du consensus autour du président Aoun et le retour à l’immobilisme voire au chaos.

…sur lequel se répercutent les crises et conflits régionaux

Le Liban subit de plein fouet l’ensemble des crises et des tensions régionales qui traversent le Moyen-Orient contemporain. Celles-ci se répercutent d’autant plus facilement que le pays, carrefour géographique et géopolitique, souffre de faiblesses politiques, économiques et sociales endémiques. L’année 2017 a ainsi marqué, au Liban, un pic de tension entre l’Iran, premier soutien du Hezbollah, et l’Arabie saoudite, accusée notamment d’avoir maintenu le Premier ministre Hariri sous pression, voire même de l’avoir retenu un temps à Riyad ! En effet, le poids central du Hezbollah dans la vie politique libanaise, ressenti lors de l’élection du président Aoun, inquiète les régimes saoudiens comme israéliens qui y voient le renforcement de l’influence iranienne dans la région. Ainsi, la fausse démission de Saad Hariri s’ancre notamment dans la guerre d’influence larvée que se livrent Riyad et Téhéran au Pays du Cèdre : le prince saoudien Mohammed Ben Salmane aurait cherché, en privant le pays de son Premier ministre, à déstabiliser le régime Aoun et le Hezbollah pour contrer l’influence de la république islamique. Dans le même temps, l’afflux de réfugiés syriens ressuscite peurs et fantasmes liés au précédent palestinien tandis que la situation économique continue de se détériorer ; le marché du travail libanais se trouve en effet saturé par une main d’œuvre syrienne bon marché et abondante qui prive de nombreux libanais de perspectives économiques.

Des facteurs d’optimisme et d’incertitude

Alors que la communauté internationale scrutait le pays avec anxiété, la démission de Saad Hariri n’aura pas eu l’effet dévastateur escompté. En effet, l’union de la classe politique libanaise autour du retour du Premier ministre comme la médiation française auront permis une sortie de crise en douceur avec, finalement, l’annulation de la démission. Néanmoins, tandis qu’Israël et l’Arabie saoudite se montrent de plus en plus actifs dans leur lutte à tout prix contre Téhéran et que le Liban continue de présenter une situation socio-économique fragile, reste à savoir si le pays pourra longtemps jongler avec des pressions contraires et conduire les nombreuses réformes qui s’imposent. Les élections législatives du printemps 2018 apporteront sans doute une première réponse…

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