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Honduras-Salvador : nouvelles tensions autour d’une frontière contestée. Retour sur la « guerre du Football ».

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L’avènement de l’économie tertiaire, la très grande mobilité des personnes et des capitaux, les prémices du « village global » laissent présager la fin des territoires. Bien trop vastes pour les reclus communautaires, bien trop étroits pour les mondialistes communiant dans un même idéal d’humanisme, les territoires ne paraissent plus constituer une variable décisive dans l’identité des acteurs : le brouillamini des identités et l’intensité des réseaux rangent les territoires au placard des concepts démodés. Sur la carte du monde, tous les territoires sont de la même couleur et les frontières sont en pointillé. Pourtant, aujourd’hui, de nombreuses tensions éclatent et engendrent des conflits localisés entre plusieurs acteurs pour le contrôle d’une terre, d’une zone maritime ou d’une frontière. Pour quelques kilomètres carrés, les armadas diplomatiques se déploient et alignent leurs canons dans l’attente d’un affrontement. C’est le cas entre le Honduras et Salvador.

La semaine dernière, le président salvadorien Mauricio Funes a confirmé sa commande de 10 avions de combat malgré les menaces de son homologue hondurien, Porfirio Lobo Sosa, voyant dans cette acquisition une menace à l’intégrité de son pays, en particulier pour les îles Conejo (0,5km²) dans le golfe de Fonseca. La frontière entre les deux pays est très contestée et la moindre manifestation militaire chez un des protagonistes accouche d’une crise politique. Depuis un avis de la Cour Internationale de Justice en 1992, les deux pays s’affrontent sur ce petit îlot non inclus dans la décision judiciaire. De fait, le Honduras occupe l’île qui revêt une importance militaire et stratégique pour le pays mais le Salvador n’a de cesse de revendiquer le territoire.

D’autres conflits frontaliers persistent entre les deux capitales. Le plus connu d’entre eux est illustré par la « Guerre du football ». En 1969, les deux équipes s’affrontent lors des qualifications pour la Coupe du Monde devant se tenir au Mexique l’année suivante. Au match aller le Honduras gagne 1-0 car les supporters avaient, la veille, organisé un vacarme infernal autour de l’hôtel des joueurs salvadoriens pour les empêcher de dormir. Au match retour, l’équipe du Honduras se vit accompagnée dans un véhicule blindé au stade, le drapeau national hondurien fut déchiré et les échauffourées entre supporters firent deux morts. Les salvadoriens s’imposèrent 3-0. Des escarmouches éclatèrent immédiatement à la frontière, les paysans salvadoriens subissant des mesures de rétorsion des militaires honduriens.  Le match final vit la victoire du Salvador 3-2. Les deux armées s’affrontèrent durant 4 jours faisant 3 000 morts et 15 000 blessés. Le football fut le catalyseur de tensions révélant le cœur du problème entre ces deux pays : le Honduras, peu densément peuplé, sert de refuge pour un Salvador surpeuplé. 300 000 salvadoriens avaient illégalement colonisé les terres frontalières pour survivre, au grand dam des populations honduriennes. Tegucigalpa vit dans cette guerre un moyen de sceller l’union nationale politique et faire taire les contestations.

Politique, démographie et frontière contestée : un mélange détonant encore aujourd’hui qui illustre le retour des territoires à la une de nos journaux.

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