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Quel avenir pour les organisations régionales sud-américaines ?

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le MERCOSUR, principale des nombreuses organisations régionales du continent
le MERCOSUR, principale des nombreuses organisations régionales du continent

Avec, au cours des cinquante dernières années, une dizaine d’organisations régionales – sept principales aujourd’hui – la scène régionale latino-américaine est plus que divisée. Plutôt que l’approfondissement d’une seule entité, les divergences de vue conduisent à multiplier « horizontalement » les associations, qui recoupent autant de particularités clivantes : proximité géographique, parallélismes démographiques et territoriaux, plus ou moins grande opposition aux Etats-Unis, modèle politique libéral ou socialiste, place plus ou moins grande de l’Etat au sein de l’économie… Dans un contexte de concurrence entre grandes zones mondiales pour attirer les investisseurs, quel visage offre aujourd’hui l’Amérique latine ?

A l’opposé d’une unité rassurante, cette multiplicité d’appartenance conduit en effet à présenter un contexte instable où les concurrences entre associations deviennent l’objet de stratégies instables, chacun des Etats cherchant à optimiser les avantages potentiels. C’est par exemple dans cette logique qu’en 2006 le Venezuela a quitté la CAN afin de profiter des débouchés autrement plus conséquents du Mercosur. De même la Celac a-t-elle été créée en 2010 sous la pression accentuée d’un Mexique fâché de voir un projet politique majeur (UNASUR, 2008) se faire sans elle. Une telle fragmentation inhibe inévitablement l’émergence d’un seul grand ensemble à même de s’imposer sur la scène diplomatique mondiale. Ainsi les négociations sur un accord de libre-échange entre l’Union Européenne et le Mercosur piétinent-elles depuis une vingtaine d’année, faute d’accords communs dans les domaines agricoles et des services publics notamment, ce qui contribue à définitivement éloigner du Mercosur les Etats pacifiques qui de plus en plus se tournent vers l’Asie.

Si l’on constate donc l’inertie du régionalisme en Amérique latine et qu’il est encore trop tôt pour porter un regard critique sur le nouvel élan asiatique (Alliance pacifique), un aspect plus pragmatique de la coopération régionale peut être souligné.

Plutôt que centrée sur les organisations elles-même, la réalité du multilatéralisme latino-américain est en fait à chercher plus pragmatiquement du côté des nombreux projets bilatéraux ou multilatéraux effectifs ou en projet (Itaipu entre Brésil et Paraguay, gestion commune de l’Amazonie, gazoduc Bolivie/Brésil et projet en cours entre Bolivie/Paraguay/Uruguay…). Le rapprochement entre les façades atlantiques et pacifiques sous le coup de l’attrait asiatique en est le fer de lance. Le Brésil, premier producteur mondial de soja, et l’Argentine, troisième producteur mondial, exportent notamment dans les pays d’Asie du Sud-Est, Chine comprise. Aussi les productions brésiliennes et argentines passent de plus en plus par les ports chiliens ou péruviens pour accéder au marché asiatique. Cela s’est traduit par le lancement, au début des années 2000 du programme IIRSA (Initiative pour l’Intégration de la Région Sud-Américaine) visant à développer de grands corridors Est/Ouest de circulation de divers flux : aménagement de fleuves, d’axes routiers, construction commune de gazoducs ou encore lignes de télécommunication. Une logique de coopération ancienne, à l’image du barrage d’Itaipu, second barrage mondial en terme de puissance, construit dans les années 70 et fruit d’une collaboration étroite entre le Brésil et le Paraguay, qui aujourd’hui encore l’exploitent conjointement au sein d’une entreprise binationale. Peu visible, la coopération régionale existe donc mais est à chercher dans une conception plus pragmatique et moins institutionnelle des échanges.

Cependant, il apparaît peu probable que cette configuration change à court terme. En effet, à la fragmentation structurelle se superposent les différentes conjonctures nationales, qui toutes demeurent très marquées par de fortes inégalités (indices GINI : Chili (0,549), Brésil (0, 519), Paraguay (0,480)…) et les revendications sociétales en matière d’éducation, de santé et de redistributivité qui en découlent. De même, après l’épisode tendu des fonds vautour, l’Argentine, troisième économie du continent, demeure largement paralysée par ses problèmes internes. Aussi,  la récente vague d’élection au cours de l’année 2014 (sept pays dont le Brésil ont vécu une élection présidentielle), qui a dans l’ensemble reconduit les mêmes partis au pouvoir (majoritairement de gauche), ne laisse pas penser que les enjeux régionaux et plus largement internationaux occuperont le devant de la scène dans l’immédiat. A moyen-terme, la relative paralysie des organisations régionales latino-américaines semblent donc appelée à durer.

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