ActualitésAmérique

Quel est le rôle du colistier, futur vice-président, lors des élections américaines ?

Shares

A l’heure des Conventions républicaine et démocrate, une figure un peu particulière du système politique américain retient notre attention : le colistier. Destiné à devenir vice-président en cas d’élection, le choix du colistier est devenu stratégique, alors que la Constitution américaine n’accorde qu’une faible importance au vice-président.

Joe Biden, actuel vice-président des Etats-Unis
Joe Biden, actuel vice-président des Etats-Unis

Une fonction de faible importance dans la Constitution

La Constitution américaine n’accorde aucun rôle exécutif au vice-président, même s’il est théoriquement le numéro deux de l’exécutif. Le secrétaire d’Etat, bien que numéro cinq dans cette hiérarchie, s’impose comme une figure beaucoup plus présente et médiatique. Le vice-président ne peut pas intervenir dans les débats de la Chambre haute, bien qu’il en soit le président selon la Constitution. Cependant, il a la possibilité, en cas d’égalité de vote, de faire jouer sa voix pour éviter le blocage de cette dernière. Il est élu par le même Collège électoral qui élit le président des États-Unis pour un mandat équivalent de quatre ans.

La Constitution américaine édicte également une autre règle souvent oubliée. Elle interdit en effet aux grands électeurs de voter à la fois pour un candidat à la présidence et pour un candidat à la vice-présidence qui viennent du même État qu’eux. Cela pourrait empêcher le candidat à la vice-présidence disposant du plus grand nombre de grands électeurs d’être élu même si le candidat dont il est le colistier est, lui , élu. Cependant, historiquement, le problème ne s’est que rarement posé, les  grands partis politiques évitant les cas avec deux candidats issus d’un même État.

En dehors du faible rôle constitutionnel du vice-président, celui-ci s’est parfois vu écarter des plus grandes décisions politiques de l’histoire politique des Etats-Unis. C’est le cas lors de la présidence de F. D. Roosevelt qui décide de ne pas informer son dernier vice-président, Harry Truman, du projet sur la bombe atomique, ce qui a amené Truman à déclarer que le travail du vice-président se cantonnait à « aller aux mariages et aux obsèques ».

Longtemps, le seul grand intérêt de la vice-présidence a été de pouvoir remplacer le président « en cas de destitution, de mort ou de démission, ou de son incapacité d’exercer les pouvoirs », selon l’article 2 de la Constitution américaine. Ainsi, quatorze vice-présidents sont arrivés à la tête du pays, dont neuf à la suite d’un décès ou d’une démission à l’image de Lyndon Johnson qui prend la suite après l’assassinat de John F. Kennedy en 1963, ou de Gerald Ford à la suite de la démission de Richard Nixon, après le scandale du Watergate. La vice-présidence est aussi un moyen de se positionner pour le prochain mandat et de devenir président des Etats-Unis comme l’ont réussi récemment Richard Nixon en 1968 et George H.W. Bush en 1988.

Importance grandissante dans l’exercice du pouvoir

Walter Mondale, vice-président de Carter entre 1977 et 1981, a insufflé un nouveau modèle. Il déménage son bureau au sein même de la Maison Blanche pour être au plus proche des prises de décision, et instaure les déjeuners hebdomadaires avec Jimmy Carter.

Depuis, plusieurs vice-présidents ont marqué les mandats présidentiels. Al Gore est l’un des vice-présidents influents qui ont fait bouger les lignes, entre 1993 et 2001, sous Bill Clinton. Il s’est imposé sur les sujets d’environnement et il a eu un rôle primordial dans la réforme de l’Etat. En outre, il s’est beaucoup impliqué au Conseil national de sécurité et s’est vu accorder de nombreuses prérogatives dans les domaines économiques et des affaires étrangères.

Un choix stratégique dans les élections 

L’histoire des élections américaines abonde d’exemples sur le choix stratégique du colistier. Lors de l’élection précédente, Romney a fait appel à Paul Ryan, alors président de la commission du Budget au Congrès américain, pour bénéficier de sa légitimité sur les questions économiques après la crise de 2008-2009. Ronald Reagan, fragilisé sur les questions de politique internationale, a choisi George H.W. Bush en 1980 pour son passé d’ambassadeur de l’ONU et de directeur de la CIA. Souvent, le choix du colistier est une décision stratégique au moment de la campagne, car ce dernier apporte une certaine complémentarité aux candidats. Tim Kaine et Mike Pence, dans des proportions différentes, n’échappent pas à cette tendance.

Du côté républicain, Mike Pence, soutien de Ted Cruz pendant les primaires, garantit une ligne conservatrice aux militants du parti. Grâce à ses années d’expérience au Congrès, il donne confiance aux électeurs traditionnels, alors que Donald Trump, qui n’a jamais été élu, fait figure de candidat atypique. En outre, Mike Pence est gouverneur de l’Etat de l’Indiana, particulièrement affaibli par la crise, et qui avait voté Mitt Romney en 2012. Mike Pence, proche du Tea Party, est également très populaire au sein de la droite religieuse. Ses prises de position sont très dures, sur la question des homosexuels ou de l’avortement. S’il vient renforcer la base électorale de Donald Trump, Mike Pence n’apporte pas pour autant une nouvelle base importante d’électeurs au candidat républicain.

Du côté démocrate, Hillary Clinton a choisi Tim Kaine, réputé pour son art du consensus. Particulièrement lisse et irréprochable, alors qu’Hilary Clinton a connu plusieurs scandales, il possède l’avantage de n’avoir jamais perdu une élection et de parler couramment l’espagnol, dans un pays à la minorité hispanique très importante. Elu dans l’Etat de Virginie,Tim Kaine a déjà contribué à faire basculer son Etat du côté démocrate en 2008, lors de l’élection de Barack Obama, puis en 2012. Sa rigueur et ses opinions modérées sont également très appréciées. Bien qu’étant fervent catholique et opposé lui-même à l’avortement, il s’est toujours refusé à revenir sur les réformes sociales.

Deux stratégies s’affrontent dans le choix du colistier pour l’élection présidentielle de 2016. Le choix de Pence permet la consolidation de la base électorale de Trump tout en essayant de maintenir l’unité du camp républicain. Avec le choix de Kaine, Clinton cherche le consensus, sans froisser aucun membre de son parti. Pour l’aspect charismatique, elle comptera plutôt sur les soutiens du couple Obama et de Bernie Sanders, son adversaire de la primaire.

Shares

Marc GERARD

Ancien élève de CPGE B/L au Lycée Montaigne, Marc Gérard est diplômé d'un master en Histoire des mondes modernes et contemporains, certifié et enseignant en Histoire-Géographie. Il est rédacteur pour Les Yeux du Monde depuis janvier 2016.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *