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Le Japon a-t-il atteint le point de non-retour de la dette ?

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« La Grèce est endettée à 80% de son PIB et le Japon à 200%, pourquoi parler d’un surendettement de la Grèce ? » pouvait-on entendre aux débuts de la crise en Europe. Raisonnement balayé d’un revers de la main : le risque est nul pour la dette japonaise car elle est détenue à 94% par les Japonais eux-mêmes. Ce taux d’autodétention record doit cependant être analysé car il est, in fine, vecteur de déséquilibres majeurs.

Qu’est-ce que l’ « autodétention » à la japonaise ? Quand on entend « les Japonais détiennent 94% de leur dette », il faut en réalité comprendre : « 5% de ces 94% est détenu directement par les ménages, 50% via les achats de la Banque Postale qui investit l’épargne des familles, et le reste via les fonds privés de capital, les entreprises privées et la BoJ (Bank of Japan) ». En bref, les bonds du Trésor japonais constituent le placement du bon père de famille par excellence : le souci de la sécurité l’emporte sur l’appétit du rendement. Et ce taux d’autodétention « nippo-japonais » a permis de résoudre la quadrature du cercle : plus la dette publique s’accroît, plus les intérêts diminuent !

Dès lors, il n’est pas tellement étonnant de constater un taux d’endettement proche des 200% du PIB. Or il faut bien comprendre que le degré de dépendance quasi-nul vis-à-vis des investisseurs étrangers a son contre-point : le degré de dépendance élevé vis-à-vis des investisseurs domestiques ; et les économistes japonais ont commencé à travailler sur une question nouvelle, le « point de saturation » de la dette, i.e. le point au-delà duquel les institutions financières ne veulent plus ou ne peuvent plus absorber le surplus de la dette. Rappelons que la dette venant à maturité chaque année et le déficit budgétaire (qu’il reste également à financer) représentent plus de 55% du PIB japonais, un record. Les économistes japonais Tukuoka et Hoshi (« The outlook of financing Japan’s public debt », IMF Working Paper 2010) ont élaboré des modèles d’extrapolation des tendances actuelles et estiment que le point de saturation surviendra dans 10 à 15 ans.

Si le point de saturation de la dette est atteint, le Japon fera tout simplement défaut.

Bien sûr, des leviers importants existent pour éviter cette situation (majorer les ressources de l’Etat en augmentant les cotisations, majorer les impôts ou la TVA par exemple). Tout dépendra évidemment de la capacité du Japon à accroître son niveau de croissance potentielle, à maîtriser ses finances publiques et augmenter encore l’épargne domestique. Le Japon sera également confronté à un choix de société entre individualisme (nécessité de cotiser à une assurance privée pour financer santé et vieillesse) et solidarité combinant répartition et capitalisation, développement de l’emploi féminin et  hausse des impôts directs et patrimoniaux.

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