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La stratégie énergétique chinoise

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Avec 7,4% de croissance du PIB au 1er trimestre 2014, les besoins énergétiques de la Chine sont majeurs. Souvent montrée du doigt pour sa politique énergétique pollueuse et énergivore, la Chine tente de développer des modèles alternatifs avec un important développement des énergies renouvelables ou du gaz naturel. Cependant, en attendant la transition énergétique, le pétrole et surtout le gaz, moins polluant, sont au cœur d’enjeux régionaux et internationaux. Quelle est la situation énergétique en Chine ? Quelles sont les conséquences et perspectives géopolitiques ?

 I / État des lieux énergétique :

 La Chine est le 1er importateur de pétrole depuis 2013 et est un importateur majeur de gaz naturel. Le charbon est la principale source d’énergie primaire dont la Chine est de loin le premier importateur et consommateur. Cependant l’usage du charbon soulève de nombreuses questions écologiques. La Chine a rejetée près de 9621 Mt Co2 en 2012 contre 5118 Mt pour les USA la même année. D’ici 2030, la part du charbon dans le mix énergétique chinois devrait passer de 67% à 44%, de ce fait, le pays développe des secteurs alternatifs. Après une légère interruption post-Fukushima, la Chine reprend son programme nucléaire. Elle est également impliquée dans les énergies renouvelables et en particulier dans l’hydroélectrique où elle occupe la première place mondiale, avec l’exemple bien connu du barrage des Trois Gorges. Cependant, malgré les ambitions du XIIème plan quinquennal (2011-2015) qui met l’accent sur l’essor de moyens de transport alternatifs, des énergies renouvelables, des nouveaux matériaux, des biotechnologies et d’autres activités propices à un changement de politique énergétique, la part du thermique classique dans la consommation et la production primaire d’énergie en Chine reste de l’ordre de 80% en 2013.

 Jusqu’en 1993 la Chine pouvait se contenter de ses propres ressources pétrolières ; elle en est désormais, comme vu précédemment, le premier importateur au monde. En 2000 la Chine achetait pour 1 ,5 millions de barils/jour, en septembre 2013 elle achète pour 6,3 millions de barils/jour soit une augmentation de 293% sur la période 2000-2013. L’augmentation de la demande de brut a légèrement baissée en Chine, de +7% en 2012 à +4% en 2013, du fait du ralentissement économique et d’un ralentissement des constructions de raffineries. Cependant, du fait de la hausse structurelle de la demande chinoise (moyennisation des classes sociales, hausse du parc automobile), la dépendance face au brut étranger passerait de 54% en 2010 à 61% l’an prochain. Afin de faire face, la Chine veut doubler sa production d’hydrocarbures d’ici 2030. Les réserves de pétrole chinoises se montaient à 103,7 milliards de tonnes à la fin 2013, soit une hausse de 36% par rapport à 2007. Celles de gaz naturel à 62.000 milliards de mètres cube, en hausse de +77% par rapport à la même année.
La production de pétrole et de gaz de la Chine augmente de 4,6% en 2013 par rapport à 2012, avec une forte progression pour le gaz naturel. La plupart des champs pétroliers étant déjà exploités (en Mongolie intérieure, dans le Xinjiang et dans la baie de Bohai), la Chine a concentré ses efforts sur l’augmentation de la production de gaz, alternative moins polluante au charbon. La Chine reste toutefois dépendante de cours du baril élevés afin de permettre une exploitation rentable des gisements profonds et développer ses technologies. En effet, les entreprises chinoises (CNPC et SINOPEC) partirent avec un retard dans la course aux hydrocarbures mondiales du fait d’un boom économique récent et de la mise en place tardive d’une go out policy par Jiang Zemin, à la fin des années 90. Combler le retard technologique est un enjeu majeur pour la Chine. En effet, elle serait le pays le plus riche au monde en gaz de schiste (31 500 milliards de m3) et le troisième pour le pétrole de schiste (32 milliards de barils).

II / Conséquences et perspectives géopolitiques :

Le caractère stratégique et conséquent de la demande chinoise en hydrocarbures nécessite une vision géopolitique adaptée. La Chine développe une stratégie de diversification de ses approvisionnements. Ses trois principaux fournisseurs sont l’Arabie Saoudite, l’Angola et l’Iran. La part de ces pays tend à diminuer au profit de fournisseurs comme l’Irak, Oman ou le Venezuela. En Afrique, les entreprises chinoises développent depuis une vingtaine d’année un modèle alternatif afin d’accéder aux immenses ressources du continent ; le consensus de Pékin, matières premières contre IDE et infrastructures. Les entreprises chinoises s’implantent en Amérique du Sud ; notamment sur le plus grand champ pétrolier brésilien, le « Libra ». Dans le cadre de joint-ventures et de participations à des consortiums, la Chine espère bien rattraper son retard technologique. Participer à un projet d’off shore ultra profond comme sur le « Libra » pourrait permettre à la Chine d’appliquer ces techniques sur son territoire. Longtemps retardés par des négociations tarifaires, les accords de fourniture de gaz sino-russes sont désormais en pleine expansion. À partir de mai 2014, la Russie devrait livrer, pour une période de 30 ans, 38 milliards de m3 de gaz à la Chine. Cette capacité serait portée à 60 milliards de m3 en 2018.

La quête chinoise de ressources peut être source de tensions. Elles peuvent être diplomatiques comme autour de l’accès aux immenses ressources d’Arctique, ou militaires comme dans le cas des îles Senkakou/Diaoyu. La province autonome chinoise du Xinjiang apparaît également comme une zone de tensions liées aux hydrocarbures. La province, à tendance séparatiste, abrite 25% des réserves chinoises de pétrole et 27% des réserves de gaz. De plus, une des principales voies d’importation de gaz, le gazoduc Asie centrale-Chine, traverse la région. Une radicalisation du mouvement Ouighours pourrait entrainer des attaques d’infrastructures énergétiques. Un autre enjeu pour la Chine est le développement d’une sphère d’influence maritime. Dans un premier temps régionale, afin de peser sur les divers conflits territoriaux l’empêchant de prospecter en off shore (avec le Japon et le Vietnam notamment). Mais également afin de sécuriser des zones de transport stratégiques comme le détroit de Malacca en proie à la piraterie, et la mer de Chine méridionale qui voit passer près de ¾ des importations d’hydrocarbures vers la Chine (en particulier les méthaniers). La mise en place d’oléoducs et de gazoducs traversant le Myanmar illustre cette « crainte des détroits » qui peuvent représenter des goulots d’étranglement énergétiques. Dans un second temps, la Chine doit se préoccuper d’espaces plus lointains, en particulier du détroit d’Ormuz. Une importante partie des hydrocarbures à destination de la Chine le traverse. Or, en janvier 2012, l’Iran menaça de fermer ce dernier. Depuis, la Chine se veut proche du régime iranien, jouant la neutralité sur le dossier nucléaire et syrien. Cependant, la volonté d’indépendance européenne envers le gaz russe, mêlée à la mise en place d’un accord sur le nucléaire iranien pourrait voir une partie du gaz iranien destiné à l’export redirigé vers l’Europe.

Les objectifs de réduction de la part du charbon dans le mix énergétique chinois et les prévisions de l’AIE sur un triplement de la demande de gaz en Chine d’ici 2035 laissent présager de nombreuses tensions. Même si le ralentissement de la croissance chinoise se confirme (-0,4% au T1 2014), ses besoins énergétiques resteront immenses.

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