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Tibet : les enjeux géoéconomiques et géostratégiques pour la Chine

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La question du Tibet occupe régulièrement l’actualité relative aux questions des droits de l’homme. Cependant, on connait moins les raisons pour lesquelles les dirigeants chinois s’accordent tous à définir le « Toit du Monde » comme un espace vital pour la Chine.

Le palais du Potala à Lhassa, avec le drapeau chinois flottant au vent
Le palais du Potala à Lhassa, avec le drapeau chinois flottant au vent

Une région clé pour l’économie chinoise

En mandarin, le Tibet (Xizang) signifie « Maison des Trésors de l’Ouest ». La région est effectivement richement dotée en ressources naturelles. Son sous-sol est extrêmement complet et divers : la région possède les plus importantes réserves de chrome et de cuivre chinoises ; mais aussi parmi les plus importantes réserves mondiales de borax, d’uranium et de lithium. Le Tibet possède également la deuxième biomasse forestière de Chine, bien que largement entamée aujourd’hui à cause du déboisement massif.

Mais c’est surtout pour son eau que le Tibet est crucial dans la stratégique économique et politique chinoise. Dans les terres du « Château d’eau de l’Asie », c’est dix des plus grands fleuves régionaux qui y prennent leurs sources. C’est le berceau du Brahmapoutre qui traverse l’Inde et le Bangladesh, du Mékong qui sillonne le Myanmar, le Laos, la Thaïlande, le Cambodge et le Viêtnam. Le « Toit du Monde » est le quatrième plus grand réservoir d’eau douce au monde : capital pour la région puisqu’il alimente en eau près de 47% de la population mondiale, crucial pour la Chine puisque qu’il constitue 30% de ses réserves hydrauliques.

Mettant ses impératifs économiques et industriels au premier plan depuis des décennies, la Chine n’a fait qu’aggraver ses problèmes intrinsèques : assèchement des sols, destruction des ressources halieutiques et des écosystèmes, pollution importante. La Chine a donc impérativement besoin de l’or bleu du Tibet pour compenser les problèmes relatifs à l’eau dans les autres régions. Or les nombreux barrages déjà existants et les projets en phase de réflexion inquiètent les pays voisins dépendants des fleuves tibétains, que Pékin ne prend pas le soin de consulter. A long terme, certains rapports pointent le risque d’une guerre de l’eau en Asie au niveau du plateau himalayen.

Le « Toit du Monde » comme glacis stratégique

Le Tibet occupe une position géopolitique clé, en étant en surplomb de l’Asie. La région du Xizang possède près de 3.000 kilomètres de frontières, en contact avec la Birmanie, l’Inde, le Bhoutan, le Népal et le Pakistan. Des tensions existent toujours aujourd’hui entre l’Inde et la Chine sur le tracé des frontières, remettant chacun en cause la « ligne Durand », le tracé réalisé par les Britanniques au 19ème.

Le Tibet, région à la charnière de l’Asie Centrale et du Sud, joue un rôle capital dans la stratégie régionale de Pékin. Il permet tout d’abord de sécuriser les approvisionnements énergétiques en provenance de l’Asie Centrale, particulièrement le gaz et le pétrole de la mer Caspienne. De surcroit, le Tibet participe à la phase terrestre de la « stratégie du collier de perles ». Parallèlement à sa politique de développement des ports en mer chaude (comme Gwadar au Pakistan ou Chittagong au Bengladesh), le Tibet est un espace vital dans le dispositif d’encerclement du voisin hindou, à côté des bonnes relations entretenues avec le Pakistan et les autres pays voisins de l’Inde.

George Ginsburg, auteur de La Chine Communiste et le Tibet, résume ainsi la valeur géostratégique du Tibet : « Celui qui contrôle le Tibet domine le piémont himalayen ; celui qui domine le piémont himalayen menace le sous-continent indien ; et celui qui menace le sous-continent indien peut à n’importe quel moment se saisir de l’Asie du Sud, et même de toute l’Asie ».

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