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La politique migratoire australienne : retour de la solution du Pacifique ?

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Campagne de communication à destination des demandeurs d'asile et migrants illégaux lancée par l'Australie en 2013
Campagne de communication à destination des demandeurs d’asile et migrants illégaux lancée par l’Australie en 2013

Le 22 octobre 2014, un député indépendant australien a demandé à la Cour pénale internationale (CPI) d’enquêter sur la politique migratoire menée par l’Australie. Ce dernier juge les dispositions en matière d’immigration trop restrictives et accuse en ce sens le pays de « crimes contre l’humanité ».

Cette plainte résulte de plusieurs années de luttes et d’alertes lancées au gouvernement australien concernant sa gestion des migrants. En juillet 2013 l’annonce du pays de fermer ses frontières aux demandeurs d’asile clandestins avait déjà fait grand bruit. Le pays a en ce sens passé différents accords avec ses voisins (Papouasie Nouvelle Guinée, Christmas Islands, Nauru et plus récemment le Cambodge) afin que les migrants clandestins soient transférés dans des centres de rétention leur territoire, puis renvoyés vers leur pays d’origine. En vertu de ces accords, Canberra s’est engagée à financer en contrepartie la mise aux normes de certains centres (en Papouasie par exemple) et à prendre en charge les coûts liés au déplacement des migrants. Le pays apportera de même une aide au développement accrue dans les domaines de la santé et de l’éducation. Actuellement, 2300 migrants se trouvent dans ces « centre de rétention offshore ». Le pays dépense par ailleurs chaque année des sommes de plus en plus importantes afin de lutter contre l’immigration illégale : en 2013 plus de 20 millions de dollars pour une campagne visant à décourager les migrants depuis leur pays d’accueil jusqu’à leur arrivée en Australie. Ce budget était initialement prévu pour quatre années et revêt également un enjeu interne puisque financé par les contribuables australiens.

Derrière l’externalisation de la gestion des questions migratoires, le dilemme australien

Ces dernières années ont ainsi été marquées par une orientation plus ferme de l’Australie en matière migratoire, qui se situe dans une certaine mesure dans la continuité de la politique migratoire du pays. En effet de 1861 à 1973, le pays a mis en place une politique dite de “l’Australie blanche” visant à favoriser les migrants européens plutôt que régionaux. Puis de 2001 à 2007, la « solution du Pacifique», consistant à reléguer en dehors du territoire australien des demandeurs d’asile arrivant par voie maritime, a institutionnalisé une gestion extraterritoriale de l’asile, vivement condamnée par les Nations Unies. Les mesures prises en 2013 revêtaient par ailleurs un enjeu électoral : les travaillistes ont usé de cette question afin de regagner le retard que leur prêtaient les sondages.

Au delà de l’enjeu électoral, ces nouvelles orientations de la politique migratoire remettent en exergue l’oscillement du pays entre intégration régionale et fermeture, du fait de sa situation particulière de “pays du nord au sud”. Un système migratoire à deux vitesses se dessine avec un accueil encouragé et simplifié pour les migrants issus de pays développés ou émergents (Europe, Chine, Inde) et un rejet de ceux issus des zones de crise (Afghanistan, Syrie, Irak) ou moins développées (Sri Lanka). Si du point de vue économique le pays est très actif pour l’intégration des structures régionales et se veut dans une certaine mesure multiculturel, il demeure, par son dispositif migratoire fermé et sélectif. La mise en place d’une telle politique acte de la volonté d’intégration limitée à des enjeux économiques et stratégiques, rejetant la création d’un espace Pacifique commun.

 

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