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Accord frontalier indo-bangladais : retour sur une anomalie territoriale

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Narendra Modi et Sheik Hasina lors de la signature de l'accord frontalier entre l'Inde et le Bangladesh
Narendra Modi et Sheikh Hasina lors de la signature de l’accord frontalier entre l’Inde et le Bangladesh

Lors de sa première visite au sein d’un pays musulman depuis le début de son mandat, le Premier Ministre Indien Narendra Modi a conclu avec son homologue Sheikh Hasina un accord historique réglant une situation gelée depuis 1968. Cet accord va notamment permettre de régler la situation de plusieurs milliers de Bangladais et d’Indiens vivant dans des territoires étant des enclaves dans le pays voisins. Cet accord va ainsi permettre à ces 53 000 personnes de choisir le pays auquel ils souhaitent appartenir.

Les « chhitmahals », enclaves indo-bangladaises que l’on retrouve le long de la frontière entre l’Inde et le Bangladesh sont issues de droits territoriaux anciens. Un traité de 1713 entre le prince du Cooch Behar et l’empire moghol aurait laissé pendant le statut de ces territoires créant 106 enclaves indiennes au Bangladesh et 92 enclaves bangladaises en Inde. Lors de la partition des Indes en 1947, le problème n’est pas réglé. En 1958, le Pakistan et l’Inde tentent de désenclaver ces territoires par un accord, qui n’est finalement pas ratifié. Apres la séparation du Pakistan occidental devenant le Bangladesh en 1971, un accord concernant l’échange d’enclaves est envisagée en 1974. L’objectif est, à défaut de procéder à un échange de rendre l’accès à ces territoires plus simple pour l’autre pays. Cet accord n’aboutit pas, notamment en raison de la sensibilité du sujet au sein de la classe politique indienne et de l’assassinat de Sheik Mujibur Rahman, père fondateur du Bangladesh en 1975.

La situation reste en suspens et la décision indienne de construire à partir de 1993 un mur entre les deux pays n’est pas sans poser problème. Plus long mur du monde (3200 km),  il est gardé par 220 000 gardes frontières et près de 60 000 soldats indiens. Comme de nombreux murs il vise à limiter le mouvement des populations, et en l’occurrence l’immigration clandestine de bangladais. L’Inde a également justifié cela par ses craintes de voir des terroristes s’infiltrer et des réseaux de contrebande se développer sur son territoire. Considéré comme légal du point de vue du droit international, cette construction matérialise la rupture qui existe entre les deux voisins. La résolution de cette question est  d’autant plus importante que le statut des personnes résident dans ces enclaves devient problématique : elles sont apatrides et privés d’accès à de nombreux services publics de base.

Vers le désenclavement et la coopération ?

En 2011, les premiers ministres indiens et bangladais reprennent les négociations, en se fondant sur les bases posées par celui de 1974. Ainsi, un échange de 162 enclaves aurait lieu et le choix de la nationalité et de résidence serait accordé aux personnes vivant dans ces territoires. L’Inde recevrait 51 territoires  et le Bangladesh 111. Alors que le Bangladesh ratifie l’accord, un amendement constitutionnel est nécessaire en Inde. Le texte est soumis à la chambre haute du parlement en décembre 2013 et après plusieurs amendements, cette nouvelle version est finalement adoptée par le en mai 2015. Le 6 juin 2015, les Premiers ministres indien, Narendra Modi, et bangladais, Sheikh Hasina concluent  ainsi un accord prévoyant l’échange de l’ensemble de ces enclaves. Afin de garantir le développement des infrastructures, notamment routières, dans ces enclaves, 2 milliards de dollars de prêt seront accordés au Bangladesh. L’Inde gagnera ainsi 28 km² de territoire tandis que le Bangladesh gagnera 69 km².

Tenu pour historique, cet accord constitue l’aboutissement de plusieurs années de négociation et marque également une nouvelle réussite diplomatique pour le Premier Ministre indien.Déterminé à restaurer l’influence de l’Inde dans la région, il a  visité l’ensemble des pays voisins de l’Inde, à l’exception du Pakistan. S’illustre ainsi sa volonté de relancer la coopération bilatérale dans le cadre de sa politique régionale visant à repositionner l’Inde face à la Chine. Enfin, cet accord s’il revêt un enjeu bilatéral indéniable, il laisse en suspens d’autres litiges entre les deux pays , tels que ceux concernant le partage des eaux des fleuves Teesta et Feni.

 

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