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L’islamisme en Ouzbékistan, meilleur ennemi du régime

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Samarkand, capitale culturelle de l’islam d’Asie centrale

Le 31 octobre 2017, un islamiste originaire d’Ouzbékistan, Sayfullo Saipov, était l’auteur d’un attentat terroriste à New York. Cette attaque a attiré l’attention sur les risques islamistes en Ouzbékistan et plus généralement dans les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale. Si la répression politique, le marasme économique et la proximité avec l’Afghanistan alimentent effectivement une opposition islamiste en Ouzbékistan, elle est aussi un ennemi utile pour le régime. L’attentat de New York montre cependant que la menace islamiste est avant tout le fait de la diaspora ouzbèke.

Sous l’égide soviétique, l’islam avait été d’abord sévèrement réprimé puis largement encadré par les autorités. En 1991, lorsque l’Ouzbékistan accède à l’indépendance, le pouvoir reste aux mains du secrétaire du parti communiste local, Islam Karimov. Ce dernier met alors en place un régime dictatorial, excluant toute opposition démocratique sérieuse, et dont l’idéologie nationale s’oppose à l’islam. Le musèlement des voix discordantes sur la scène politique a nourri les ressentiments de la population vis-à-vis du pouvoir en place. Or les mouvements islamistes ouzbeks, nés dans les années 1990, bénéficient au sein de la population d’une aura acquise en participant à des guerres civiles dans d’autres ex-républiques soviétiques d’Asie centrale. Le plus célèbre d’entre eux est le Mouvement Islamique d’Ouzbékistan (MIO), qui cherche à renverser le régime par les armes pour mettre en place un califat appliquant la sharia. Au-delà du facteur politique, ce sont les déboires économiques de l’Ouzbékistan qui y ont renforcé l’attrait de l’islamisme. Alors même qu’il est riche en minerais (or) et coton, et indépendant énergétiquement, le pays pâtit d’un chômage réel de 25%, et 17% de la population vit sous le seuil de pauvreté national. La croissance forte (7,8% en 2016) est essentiellement captée par le clan du président. Les islamistes ouzbeks attirent ainsi, par le rejet de la corruption et les salaires qu’ils offrent, une population désœuvrée. Le MIO a connu un succès important dans la vallée de la Ferghana, vallée clef permettant de se réfugier dans les Tadjikistan et Kirghizistan voisins.

L’islamisme sert les intérêts politiques du régime

Malgré l’attraction réelle pour la mouvance islamiste, leur dénonciation sert avant tout les intérêts du régime. Elle a permis de stigmatiser l’opposition en général et de s’assurer l’aide étrangère. Les Etats-Unis, en particulier, ont versé des aides substantielles à l’Ouzbékistan pour combattre la menace islamiste en Asie centrale. Islam Karimov a joué notamment sur la longue frontière de son pays avec l’Afghanistan et les liens avérés entre les islamistes ouzbeks et Al-Qaeda. Malgré les nombreuses atteintes aux droits de l’Homme, tel que le massacre d’Andijan en 2005, qui aurait fait jusqu’à 700 morts,  les Etats-Unis n’ont pas remis en cause cette aide jugée capitale pour stabiliser l’Afghanistan. La Chine, qui redoute la contagion islamiste à la province occidentale du Xinjiang et la mise en danger de son projet d’infrastructures One Belt, One Road, a également apporté son soutien à Tachkent dans cette lutte. Celle-ci s’inscrit plus largement dans la politique pratiquée par la Chine en Asie centrale dans le cadre de l’Organisation de coopération de Shanghai .

L’islamisme ouzbek est avant tout celui de la diaspora ouzbèke

Le danger islamiste ouzbek vient néanmoins prioritairement des Ouzbeks immigrés en Russie, en Europe (attentat en Suède) et aux Etats-Unis, où ils ont perpétré des attentats ces dernières années, alors que le nombre d’attentats en Ouzbékistan est faible depuis 1998. La radicalisation de la diaspora ouzbèke est souvent le fait de la xénophobie rencontrée par les travailleurs immigrés en Russie et du faible soutien que reçoivent les islamistes exilés dans les pays occidentaux. Ils sont donc particulièrement sensibles à la propagande terroriste, de sorte que de véritables réseaux de recrutement se sont constitués en Russie. Les Ouzbeks forment ainsi l’un des contingents nationaux les plus fournis au sein de Daesh et d’Al-Qaeda en Syrie.

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