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Narendra Modi en perte de vitesse ?

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Alors que doivent se dérouler ce samedi les élections régionales au Gujarat (nord-ouest de l’Inde), les chances de victoire du Baratiya Janata Party (BJP) du Premier ministre Narendra Modi ont sérieusement diminué. Ce dernier, devenu Premier ministre en 2014 suite à la victoire historique de son parti, pourrait être confronté à sa première défaite d’envergure dans l’État qu’il a lui-même gouverné de 2001 à 2014. Les raisons de cette possible défaite sont avant tout d’ordre économique et social, alors même que Modi avait pu jusque-là tirer parti de ses succès économiques et de sa rhétorique nationaliste hindoue.

Narendra Modi a fait du Gujarat l’une des régions les plus développées de l’Inde, la dotant d’infrastructures de qualité et favorisant le dynamisme de l’industrie locale portée à la fois par de grands groupes tel Reliance et, surtout, de petits entrepreneurs. Ce succès indéniable s’est accompagné d’une intense campagne de promotion de la région à l’international, dont le Vibrant Gujarat Global Summit destiné à attirer les investisseurs étrangers et devenu l’une des rencontres économiques majeures de la planète. Il lui a également permis de s’imposer aux Indiens comme l’homme de la situation pour réformer le pays et attirer les investisseurs étrangers. Si ces nombreuses réformes à coup de grands  slogans, dont Make in India, ont surtout été de grandes campagnes de communication, elles ont tout de même restauré la confiance des investisseurs.

Des réformes économiques qui nuisent à l’électorat traditionnel du BJP

D’autres réformes, considérées par beaucoup d’observateurs étrangers comme indispensables, ont, en revanche, provoqué davantage de ressentiment et pourraient expliquer le désamour des électeurs du Gujarat. Il y a d’abord la démonétisation des billets de 500 et 1000 roupies en novembre 2016. Cette démonétisation était justifiée par la lutte contre l’évasion fiscale, l’économie informelle et la circulation de faux billets. Mais cette mesure a particulièrement touché les petits entrepreneurs et commerçants dont l’essentiel des transactions se faisaient grâce à ces coupures, tandis que le secteur informel, qui compte pour une part très importante de l’économie indienne et emploie de nombreux Indiens était durement touché. Les petits entrepreneurs du Gujarat subissent également les conséquences de l’introduction d’une TVA unique à l’échelle du sous-continent. Cette réforme avait pour but de limiter les coûts induits par les différences importantes entre les législations régionales et ainsi d’attirer davantage d’investisseurs. Or, elle nécessite une paperasse conséquente que les très nombreux commerçants analphabètes sont incapables de maîtriser. Enfin, le serpent de mer des castes fait son retour sur la scène électorale : la caste des Patel, qui compte pour 14 à 20% de la population du Gujarat et rassemble avant tout des entrepreneurs et des propriétaires terriens aisés, s’estime lésée par la discrimination positive en faveur des castes dites « backward » et réclame l’obtention d’un statut similaire. La réclamation des Patel de rejoindre les “Other Backward Classes, qui ont des quotas réservés en termes d’emploi, alors même qu’ils ne sont pas défavorisés du point de vue de l’éducation ou du contexte social, souligne l’essoufflement d’un système de castes qui sclérose l’économie.

 Vers un retour en force de la rhétorique nationaliste

Alors que le Congrès s’est brusquement transformé en défenseur de toutes ces causes particulières, le BJP pourrait être tenté de tirer encore davantage sur la corde nationaliste et antimusulmane dans un État qualifié de laboratoire de l' »hindouïté », pour ne pas perdre son électorat. Les violences interreligieuses d’Ayodhya (1992) et du Gujarat (2002), dont les responsables n’ont jamais vraiment été inquiétés, sont encore dans tous les esprits. Il est ainsi à craindre que le BJP fasse de l' »hindouïté » son cheval de bataille pour la prochaine élection nationale pour échapper au syndrome de « l’Inde qui brille » (slogan optimiste d’une ancienne campagne) qui lui avait coûté très cher en 2004, alors que le Congrès affirme que 39% des enfants du Gujarat sont malnutris.

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