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Rétrospective 2017 : la Chine, toujours plus grande, toujours plus fragile

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L’année 2017 a été importante pour la Chine, de par les évolutions dont elle a su profiter, et de par les performances économiques positives qu’elle a réalisées. Néanmoins, Pékin ne peut plus reculer face à ses fractures structurelles, et devra accélérer ses transitions pour pouvoir maintenir son objectif de puissance globale.

La Chine souhaite imposer son modèle.
La Chine souhaite imposer son modèle.

L’année 2017 a commencé sous d’heureux auspices pour la Chine. Le 23 janvier 2017, le retrait américain du Traité Transpacifique est signé, premier acte fort de Donald Trump au pouvoir [1]. Une bonne nouvelle pour Pékin, qui voit ainsi s’évaporer un outil dirigé contre lui et destiné en partie à freiner les ambitions chinoises en Asie-Pacifique. Xi Jinping avait d’ailleurs, dès le Forum économique mondial de Davos le 17 janvier, tenu un long discours prônant le libre-échange face au nouveau protectionnisme de son homologue américain, plaçant ainsi la Chine comme potentiel chef de file de la mondialisation future.

Dans ce but, le premier sommet des routes de la soie fut organisé en mai 2017, où 29 chefs d’État ont répondu présents. Xi Jinping a alors décrit l’initiative phare de sa politique étrangère comme « un projet pour le siècle à venir et qui sera bénéfique pour le monde entier », confirmant la volonté chinoise de devenir une puissance globale. Les nouvelles routes de la soie relieraient le pays à l’Europe, en passant par l’Asie centrale pour sa voie terrestre et par l’Afrique pour la voie maritime. Des « routes » jonchées d’infrastructures et d’investissements gigantesques. Ainsi, la Chine sécurise son approvisionnement, notamment énergétique, et assoit son influence. Même si la communication autour de l’initiative exagère les réelles concrétisations sur le terrain [2], le projet est réel et l’ambition de le développer très forte.

Le projet des nouvelles routes de la soie

Dans le cadre de cet objectif d’accéder au rang de leader mondial, la crise avec la Corée du Nord a aussi quelque part permis à la Chine de s’affirmer sur le plan diplomatique, même si les tensions l’ont par ailleurs inquiétée – à juste titre. Les débordements déclaratifs de Donald Trump face aux provocations de Kim Jong-un ont en effet profité à Pékin. Alors que Washington appelait les pays à rompre leurs relations avec Pyongyang et à appliquer des sanctions, le gouvernement chinois a déclaré en août 2017 qu’il resterait neutre en cas d’attaque de la Corée du Nord contre les États-Unis, mais qu’il prendrait position contre les États-Unis si ces derniers attaquaient en premier. Une manière d’apparaître mesuré face au comportement agressif des deux parties tout en défendant ses intérêts mis en jeu dans cette crise. Dans ce même esprit, le retrait américain des Accords de Paris en juin ouvre une porte à la Chine sur le sujet écologique, devenu incontournable dans les discussions internationales. Une thématique qui constitue à la fois une faille et une potentielle force d’avenir pour Pékin.

Mais à travers l’ascension chinoise que 2017 a indéniablement confirmé – via des actes largement décidés en fonction du comportement américain – c’est Xi Jinping lui-même qui a conforté son pouvoir. Le XIXe Congrès du Parti Communiste Chinois a renouvelé son mandat, mais aussi son influence. Son nom et sa « pensée » ont été inscrits, suite au vote sans abstention ni contestation des quelques 2300 personnes présentes, dans la Charte du Parti. Au même titre que Mao Zedong, Xi Jinping est érigé au rang de figure et confirme un pouvoir somme toute très personnel et peu partagé.

Mais par-delà les ambitions, le spectre de la dette plane toujours

Si la Chine est désormais une puissance incontournable, certaines failles structurelles perturbent son élan. Les performances économiques de 2017 ont été meilleures que prévu avec une croissance de 6,9 %  pour les deux premiers trimestres et de 6,8 % au troisième trimestre, un résultat supérieur à la fois aux prévisions de Pékin – autour de 6,5 %  pour l’ensemble de l’année – et du FMI qui tablait sur 6,7 % pour l’année en juillet 2017. Une légère amélioration comparée à 2016, où la croissance de 6,7 % [3] avait été la plus basse depuis 25 ans.

Cependant, la bonne performance de la croissance chinoise repose sur un endettement faramineux, qui s’élève à 250 % du PIB. Un chiffre colossal qui laisserait peu de possibilités de réaction en cas de crise [4]. Le gouvernement a encouragé les crédits afin de soutenir l’économie, via les investissements dans les infrastructures notamment – 22 % des investissements totaux en 2017 – créant ainsi une bulle spéculative. Mais ces investissements ne profitent pas à tout le monde. Les entreprises d’État sont toujours privilégiées dans l’accès aux crédits, au foncier, aux télécoms, aux richesses naturelles. Le gouvernement reste maître, et ces entreprises demeurent assez peu productives de par le fait qu’elles sont peu soumises à la concurrence.

L’agence de notation Fitch Ratings estime que la croissance chinoise pourrait retomber à 5,9 % en 2018. Si Fitch avait cependant maintenu sa note A+, envisageant le maintien d’une certaine stabilité, l’agence Moody’s avait dégradé la note chinoise en mai, s’inquiétant des risques d’augmentation de la dette. Il s’agissait du premier abaissement de note pour la Chine depuis 28 ans. Le FMI s’inquiétait également en août de voir l’économie chinoise tarder à effectuer sa transition vers la consommation intérieure et les services, même si Pékin a tout de même ralenti la progression de sa dette.

La croissance actuelle reposant donc principalement sur un endettement, la Chine doit accélérer sa transition économique pour limiter les conséquences de l’effondrement d’une telle politique. Pékin aurait notamment tout intérêt à augmenter ses dépenses sociales, comme le préconisait le FMI dans une note d’août 2017. Si la population chinoise n’avait pas à épargner autant pour d’éventuelles dépenses de santé, comme elle le fait actuellement, elle pourrait réorienter sa consommation, et l’augmenter. En parallèle, Xi Jinping a fait de la stabilité financière un objectif-clé pour la Chine [5], mais il devra pour cela prendre des mesures concrètes de surveillance et de gestion des flux.

Ainsi qu’ils soient financiers, sociaux, économiques ou écologiques, la Chine doit toujours, en cette fin 2017, faire face à d’immenses défis pour pérenniser son avenir, et ne plus privilégier le court terme.

[1] Le TPP était le cœur de la politique du pivot asiatique menée par Barack Obama. Elle avait néanmoins obtenu des résultats mitigés.

[2] https://legrandcontinent.eu/2017/12/14/les-realites-de-la-belt-and-road-initiative/

[3] https://data.worldbank.org/indicator/NY.GDP.MKTP.KD.ZG?locations=CN

[4] https://fr.express.live/2017/08/18/endettement-chine-danger-fmi/

[5] http://www.imf.org/external/french/np/blog/2017/120617f.htm

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Jessy PÉRIÉ

Diplômée d'un Master 2 en Géopolitique et prospective à l'IRIS, Jessy Périé est analyste géopolitique et journaliste, spécialisée sur la zone Asie orientale. Elle s'intéresse particulièrement aux questions de politique extérieure chinoise et japonaise.

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