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Corée du Sud et Corée du Nord : un timide réchauffement à travers les JO ?

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En réponse au discours du Nouvel An de Kim Jong-un qui laissait entrevoir une possibilité de reprise de dialogue avec son voisin, Moon Jae-in a proposé une rencontre entre les deux pays le 9 janvier. Les discussions porteraient sur une éventuelle participation de Pyongyang aux Jeux olympiques d’hiver, qui se dérouleront du 9 au 25 février 2018 à Pyeongchang, en Corée du Sud. Une perspective de rapprochement inespérée qui divise néanmoins la communauté internationale.

Donald Trump et Moon Jae-in ont des approches opposées sur le dossier nord-coréen.
Donald Trump et Moon Jae-in.

Le téléphone rouge est de nouveau branché. Mercredi 3 janvier à 7h30, le canal de communication entre les deux Corées a été rétabli alors qu’il avait été coupé en février 2016 suite au quatrième essai nucléaire du régime de Pyongyang. Cet événement, qui suscite de nombreuses discussions autour d’un potentiel réchauffement des rapports inter-coréens, intervient suite au discours de vœux prononcé par Kim Jong-un pour la nouvelle année. Le leader nord-coréen a en partie persisté dans ses provocations en rappelant que les États-Unis sont « à la portée de [leurs] tirs nucléaires » et que le bouton nucléaire est « toujours sur [son] bureau ». En revanche, il a également annoncé la possibilité d’envoyer une délégation nord-coréenne aux XXIIIes Jeux olympiques d’hiver qui se tiendront à Pyeongchang, en Corée du Sud, en février 2018.

Son homologue sud-coréen Moon Jae-in a répondu le 2 janvier en proposant une rencontre dans la Maison de la Paix à Panmunjeom, village nord-coréen – aujourd’hui inhabité – situé à moins de 500 mètres de la frontière et où le cessez-le-feu de la guerre de Corée fut signé en 1953. La Corée du Sud souhaiterait notamment aborder l’éventualité d’une marche commune des deux pays lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux. Quatorze ans auparavant, cela avait en effet été le cas lors des Jeux olympiques d’Athènes. Cette rencontre pourrait donc être le timide point de départ d’un rapprochement qui demeurait chimérique depuis de nombreuses années. Une grande partie de cette avancée peut se comprendre à travers l’arrivée au pouvoir de Moon Jae-in en mai 2017, un leader progressiste et déterminé à rouvrir les discussions avec son voisin. Les extrêmes tensions de l’année 2017 ont abondé dans le sens d’un essentiel dialogue afin d’éviter une grave escalade. Même si une guerre est très peu probable[1], le programme nucléaire nord-coréen a connu une grande accélération et une multiplication de ses essais sous Kim Jong-un, et les réactions impulsives de Donald Trump ont alimenté cette volonté de provocation.

Cependant, il n’est pas pour autant question de négociations autour de ces tensions. Pour l’heure, la rencontre qui a été proposée à la date du 9 janvier devrait consister en des échanges logistiques autour des Jeux olympiques principalement. Un événement sportif de grande ampleur avait déjà servi de voie de dialogue en 2014, lors des Jeux asiatiques de Séoul où des dirigeants nord-coréens avaient rencontré leurs homologues du sud.

Une initiative inter-coréenne qui ne fait pas le bonheur de tout le monde à l’international

Les réactions internationales sont mitigées. La Chine, qui conserve des intérêts dans le maintien du régime nord-coréen, a de son côté salué cette initiative de dialogue en espérant une amélioration des relations entre les deux pays. Les États-Unis en revanche ont réagi de manière catégorique, refusant de prendre au sérieux toute entrevue qui ne porterait pas sur la dénucléarisation totale de Pyongyang. L’ambassadrice américaine aux Nations Unies Nikki Haley a décrit un « simple rafistolage », tandis que le sénateur républicain Lindsey Graham a directement évoqué un boycott américain des JO, estimant qu’une participation nord-coréenne reviendrait à légitimer « le régime le plus illégitime du monde ». Donald Trump a pour sa part simplement indiqué sur Twitter qu’il possédait un bouton nucléaire sur son bureau plus gros, plus puissant et plus fonctionnel que celui de Kim Jong-un. Les tweets vindicatifs sont ainsi toujours d’actualité, et la Corée du Sud semble vouloir prendre les choses en main, à son niveau, pour apaiser la situation. Ces discussions représentent un objectif très court terme pour l’instant, mais demeurent une avancée positive en ce début 2018.

[1] Si la Corée du Nord menait une guerre contre la Corée du Sud, ou même contre les États-Unis, son régime serait entièrement détruit, et maintenir son pouvoir est justement le but de Kim Jong-un. De son côté, Donald Trump n’a pas non plus de bénéfice à tirer d’un conflit ouvert car Pyongyang pourrait provoquer d’énormes dégâts dans la région et les conséquences humaines, économiques, politiques seraient catastrophiques.

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Jessy PÉRIÉ

Diplômée d'un Master 2 en Géopolitique et prospective à l'IRIS, Jessy Périé est analyste géopolitique et journaliste, spécialisée sur la zone Asie orientale. Elle s'intéresse particulièrement aux questions de politique extérieure chinoise et japonaise.

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