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Crise politique aux Maldives: un test pour la puissance indienne

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L’arrière-cours du géant indien est en pleine ébullition alors que la crise aux Maldives pose la question d’une possible intervention armée dans cet archipel, surtout connu pour ses hôtels de luxe. Mais l’Inde hésite car une intervention pourrait perturber le fragile équilibre régional en provoquant une réaction de la Chine. Cette dernière a accru sa présence dans l’Océan Indien ces dernières années, en constituant un « collier de perles » de plus en plus étouffant autour de son grand rival. La réaction de Bombay constituera ainsi un véritable test pour sa politique de rayonnement en Asie et confirmera, ou non, sa capacité à représenter une alternative crédible à la Chine. 

Manifestation d’opposants

Le 5 février 2018, le président maldivien Abdulla Yameen proclamait l’état d’urgence pour 15 jours après une décision des juges constitutionnels de libérer 7 opposants. Le lendemain, l’ex-président Mohamed Nasheed, exilé au Sri Lanka, appelait le gouvernement indien à intervenir pour rétablir l’ordre constitutionnel, par les armes si nécessaire. Cet appel à l’Inde est relativement logique, étant donné la proximité géographique et l’importance des relations économiques et politiques entre les deux Etats. Il s’inscrit également dans deux précédents : en 1988, une intervention armée indienne avait permis de faire échouer un coup d’Etat et, en 2012, la médiation indienne s’était avérée déterminante pour trouver une solution politique à un nouveau coup d’Etat militaire.

La puissance indienne directement affectée

L’Inde, qui a cherché à consolider sa présence dans l’Océan Indien, est directement concernée par les crises qui traversent cet espace. Cette assise régionale s’est notamment traduite par des investissements importants aux Maldives, des relations commerciales privilégiées et un accès facilité des Maldiviens aux hôpitaux du Kerala. L’Inde a également joué la carte militaire : non seulement aux Maldives, mais également au Sri Lanka, entre 1987 et 1990, pour mettre un terme à la guerre civile opposant le gouvernement aux Tigres Tamouls. Aujourd’hui, l’absence de réaction indienne pourrait avoir des effets néfastes sur sa crédibilité régionale : sa « Look East Policy », visant à se poser en alternative à la Chine pour les pays d’Asie du Sud-Est, pourrait notamment en pâtir. De même, ses projets de puissance « indo-pacifique » – par des alliances avec l’Australie, le Japon et les Etats-Unis pour contenir la Chine – pourraient s’évanouir, si elle s’avérait incapable de gérer une crise dans son pré-carré.

L’Inde devra composer avec la Chine

Toutefois, une intervention militaire semble exclue pour l’heure, compte tenu de certains intérêts chinois aux Maldives comme d’impératifs de politique intérieure. L’échec de l’intervention indienne au Sri Lanka et l’assassinat du premier ministre indien alors en place, Rajeev Gandhi, par des extrémistes tamouls sont encore dans toutes les têtes. A un an des élections législatives, une intervention armée risquerait d’affaiblir le BJP de Narendra Modi. C’est cependant le facteur chinois qui pèsera le plus dans la décision indienne. Depuis l’arrivée au pouvoir du président Yameen, la Chine a renforcé sa présence aux Maldives : en décembre 2017, les deux pays ont signé un accord de libre-échange facilitant l’exportation des ressources halieutiques maldiviennes, tandis que Pékin a investi massivement dans les infrastructures locales. Si l’Inde venait à intervenir militairement aux Maldives, il y a fort à parier que la Chine chercherait à l’en dissuader.

Pour New Delhi, le dilemme est fondamental : défendre son pré-carré pour affirmer son ambition de puissance régionale incontournable, au risque de provoquer la Chine, ou jouer l’apaisement malgré un « collier de perles » chinois de plus en plus étouffant dans l’Océan Indien. L’Inde peut néanmoins compter sur sa propre stratégie d’isolation du voisin chinois grâce à son rapprochement avec l’Australie, le Japon et les Etats-Unis.

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