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La Transnistrie, joker de Poutine?

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Longtemps sous-estimé par les démocraties occidentales, le problème posé par la Transnistrie et ses aspirations à rejoindre la Fédération de Russie revêt, avec l’évolution chaotique du conflit ukrainien, une acuité particulièrement forte. Cette véritable enclave russophile située entre les rives du Dniestr, en Moldavie, et les frontières ukrainiennes, suscite de nombreuses tensions du fait de ce positionnement géopolitique particulier.

La statue de Lénine en plein coeur de Tiraspol, la capitale transnistrienne
La statue de Lénine en plein coeur de Tiraspol, la capitale transnistrienne

La simple dénomination de ce territoire est problématique. Pour les populations russes le territoire est dénommé Prisdniestrovie, ce qui signifie « près du Dniestr », alors que la dénomination utilisée en français, issue du roumain, se traduit par « par-delà le Dniestr ». On saisit l’importance de cette nuance dans la détermination du territoire de cette entité.
Les choses seraient évidemment trop simples si l’étendue de ce territoire faisait consensus. Les autorités transnistriennes se livrent en effet à une guerre larvée à ce sujet avec le gouvernement central moldave, de qui elles dépendent en théorie. En effet, depuis l’éclatement du bloc soviétique en 1991, et la tentative d’occupation par la force de l’armée moldave en 1992, le territoire de la « République moldave du Dniestr » (selon sa titulature officielle) est autonome dans les faits.
Malgré des efforts de libéralisation économique, il ressort des quelques reportages et photographies opérés dans ce territoire quasi inaccessible que la Transnistrie constitue un reliquat des ex-RSS. L’orientation essentiellement marxisante des partis politiques, la statue de Lénine dans la capitale (Tiraspol), le Soviet suprême (nom de son Parlement), ou encore le drapeau, composé de la faucille du marteau, témoignent d’un attachement marqué à l’ancien système soviétique.
Cette filiation soviétique correspond en réalité à de forts liens avec la Russie en elle-même. La monnaie transnistrienne se nomme ainsi le rouble transnistrien, et comporte un portrait de l’invaincu général russe du XVIIIe siècle Souvorov sur ses billets de un. Officiellement dans le cadre de la CEI, la Russie conserve environ 500 hommes stationnés en permanence sur le territoire transnistrien. Cette présence a d’ailleurs certainement été renforcée depuis le conflit ukrainien, immédiatement voisin de la Transnistrie. La présence économique de la Russie se fait aussi sentir à travers notamment l’implantation d’usines Gazprom sur le territoire de la Transnistrie.

La Transnistrie, un positionnement géographique stratégique
La Transnistrie, un positionnement géographique stratégique

La situation en Transnistrie bloque tout le processus d’adhésion, ou du moins de rapprochement, de la Moldavie à l’UE. Mais à l’inverse, la Moldavie elle-même n’a aucune envie de rattacher la Transnistrie à son système central. Le coût d’un tel processus (plusieurs milliards) semble d’abord rédhibitoire. De plus, il lui faudrait réguler toutes les activités illégales, florissantes en Transnistrie, notamment le trafic d’armes. Enfin, l’afflux dans l’électorat d’environ 200 000 électeurs pro-russes a de quoi effrayer les autorités moldaves.
Le 18 mars 2014, par référendum, la Transnistrie a demandé son rattachement à la fédération de Russie. Moldavie a ignoré ce référendum, tout comme la communauté internationale et surtout tout comme… la Russie elle-même ! Il est en effet beaucoup plus commode pour Vladimir Poutine de conserver ce levier de pression. Il maintient ainsi l’influence russe au-delà des frontières immédiates de la fédération, et pose une épée de Damoclès au-dessus de la tête de son proche voisinage, ukrainien notamment. Il se livre ainsi à un chantage permanent, en exploitant cette zone de tension intense.

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