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De quoi l’ « Alternative für Deutschland » (AfD) est-elle le symptôme ?

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Frauke Petry, à la tête de l'AfD, devra convaincre un électorat peu homogène à l'échelon national
Frauke Petry, à la tête de l’AfD, devra convaincre un électorat peu homogène à l’échelon national

Les élections régionales tenues dans trois Länders le 13 mars 2016 ont permis à la droite populiste de faire une percée remarquée dans les parlements régionaux. Dans un contexte de tension croissante autour de l’enjeu migratoire, l’AfD (Alternative für Deutschland) cristallise les oppositions et les doutes face à la politique proposée par la chancelière Merkel.

Bade-Wurtemberg : 15,1%, Rhénanie-Palatinat : 12,6%, Saxe-Anhalt : 24,2%. Des scores non-négligeables pour l’AfD, dans un contexte de participation en hausse dont on peut penser qu’elle est le corollaire du signal fort envoyé par les électeurs de ces trois Länder. Créé en 2013, l’AfD se distinguait jusqu’à récemment par un programme économique libéral et la défense de la sortie de la zone euro pour l’Allemagne. Canalisant la réticence grandissante de certains Allemands devant le « laxisme budgétaire » des pays du sud de la zone euro, son audience restait cependant limitée tant il est vrai que l’euro, en partie façonné sur modèle du mark , a profité à l’Allemagne.

La politique migratoire d’Angela Merkel – l’Allemagne a accueilli en 2015 plus d’un million de réfugiés – a changé la donne et fourni à l’AfD un nouvel axe de mobilisation. Malgré un accueil enthousiaste à la fin de l’été 2015, un flot ininterrompu d’arrivées, les agressions du nouvel an à Cologne et les sévères difficultés à établir une politique européenne solidaire et coordonné ont progressivement attisé la colère d’une partie des Allemands. La chancelière l’avait bien compris, qui avait élaboré, dès le week-end précédent les élections, un plan en collaboration avec la Turquie pour tarie de manière drastique le nombre d’arrivées dans l’Union Européenne et particulièrement en Grèce. Trop tard cependant et à quel prix, tant le plan a surpris ses partenaires européens.

Une réaction au lissage politique induit par la coalition au pouvoir ?

Le but avoué de ce retournement était bien de droitiser la ligne politique de la chancelière et d’ainsi retrouver pour la CDU/CSU, son parti, une légitimité et une identité propres aux yeux des électeurs de droite. Car l’essor de l’AfD est aussi le symptôme d’un paysage politique allemand marqué par plus de deux années d’une coalition entre conservateurs (CDU/CSU) et sociaux-démocrates (SPD) et dont l’image des deux partis semble pâtir. Les deux partis semblent en effet victimes du recentrage qu’induit une telle coalition. La SPD peine à faire entendre une musique qui lui soit propre, tant la chancelière conservatrice, avec une généreuse politique migratoire ou la mise en place du salaire minimum, a emprunté à leur corpus idéologique. Symétriquement, la CDU/CSU voit ses membres et adhérents débattre du déplacement vers la gauche de son centre de gravité et voit se profiler un nouveau parti sur sa droite, principale de ses hantises. A cet égard, les résultats du 13 mars sont un signal fort envoyé à la chancelière par les Allemands de droite.

A un peu plus d’un an des élections fédérales, cette irruption inquiète et pose la question de l’arrivée d’un parti de droite populiste au Bundestag. Néanmoins, à ce stade, deux interrogations demeurent. D’abord, des divergences significatives existent entre les différentes entités régionales de l’AfD. Dans les Länders occidentaux, le parti fédère la frange la plus à droite de la CDU, libérale économiquement et conservatrice. A l’Est, où l’AfD a obtenu son meilleur score, c’est un discours xénophobe et nationaliste qui séduit, dans le prolongement de mouvements comme Pegida, des populations bien plus touchées par le chômage et la précarité que leurs concitoyens occidentaux, à priori peu partisanes d’une libéralisation accrue de l’économie. Si une telle dissonance ne pose pas de problème sérieux dans le cadre d’élections régionales, la préparation des élections nationales passera donc pour l’AfD par une clarification de ses positions, notamment économiques. Plus largement enfin, au sujet d’un Etat fédéral, l’on peut s’interroger sur la pertinence de la généralisation des conclusions d’élections régionales à l’ensemble du pays. En effet, l’autonomie et le budget importants accordés aux Landërs permettent aux branches régionales des partis nationaux de connaître des dynamiques différentes, selon les personnalités et leaders locaux. Ainsi, dans le Bade-Wurtemberg, ce sont les Verts qui, malgré le score de l’AfD, ont réussi à reconduire leur ministre-président Krestchmann, apprécié de nombreux électeurs conservateurs. De la même manière, malgré la disgrâce des scores du SPD à l’échelon fédéral, la ministre-présidente SPD du Malu Dreyer a obtenu le renouvellement de son mandat.

De la réponse à ces différentes questions dépendra l’avenir de l’AfD et sa soumission ou non au plafond de verre national, à l’instar de ce que connaît le Front National en France.

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