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Le Tribunal spécial pour les crimes de guerre au Kosovo à l’épreuve de l’histoire

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Officiellement validé par le parlement en janvier 2016, le Tribunal spécial pour les crimes de guerre au Kosovo (1998-2000) est, depuis le mois de novembre, enfin prêt. Cette juridiction pourrait redistribuer les cartes du jeu politique dans la région et participer au travail de mémoire nécessaire à l’apaisement des tensions entre Belgrade et Pristina.

Un tribunal spécial pour un défi de taille

Le monument Newborn inauguré en 2008 à Pristina, la capitale kosovare.
Le monument Newborn inauguré en 2008 à Pristina, la capitale kosovare.

Plusieurs mois auront ont été nécessaires aux députés kosovars pour valider l’ouverture de ce tribunal. Sa création fait suite à la publication en 2010 d’un rapport de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Le rapporteur de la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme Dick Marty avait alors révélé dans ce document l’existence de trafics illicites d’organes au Kosovo, qui auraient impliqué certains membres de l’Armée de libération du Kosovo (UÇK – Ushtria Çlirimtare e Kosovës).

Bien que délocalisé à La Haye et fort d’un personnel à coloration internationale, ce tribunal dépend du système judiciaire kosovar. Son mandat est très concret, puisqu’il est chargé de faire la lumière sur des crimes de guerre présumés commis par certains anciens membres de l’Armée de libération du Kosovo durant la guerre du Kosovo envers des minorités ethniques et des opposants. Les faits jugés sont ceux qui auraient été perpétrés entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 2000. Pour autant, il n’est pas question que ce tribunal prenne position en faveur de l’un ou l’autre des deux Etats concernés par ce conflit.

Lors de ses deux visites à Belgrade et à Pristina courant novembre, le nouveau procureur du Tribunal spécial David Schwendiman a réaffirmé son souhait de voir coopérer à la fois les autorités serbes et kosovares. Il s’est par ailleurs empressé de rassurer les différentes communautés et groupes politiques, puisque l’objet du tribunal n’est pas de viser l’UÇK en tant que telle, ni de s’attaquer à une organisation ou à un groupe ethnique mais bien de juger des personnes individuellement responsables.

Quelles conséquences pour la société kosovare ?

La mission EULEX[1] au Kosovo menée par l’Union européenne, mise en place en décembre 2008, s’intéresse d’ores et déjà à certains dossiers liés à plusieurs cas de crimes de guerre. Mais l’existence d’une véritable juridiction doit permettre de meilleures investigations et de véritables procès encadrés par le droit.

Les enjeux sont de taille puisqu’à l’heure actuelle, des membres proches du pouvoir au Kosovo seraient concernés par différentes affaires qui sont actuellement dans le collimateur de ce Tribunal spécial. Si pour le moment il est impossible de savoir quelles personnes feront l’objet d’actes d’accusation par cette juridiction, le rapport de Dick Marty met en cause plusieurs personnes issues de l’entourage du Président actuel de la République du Kosovo Hashim Thaçi.

Par ailleurs, nombreux sont ceux au Kosovo qui estiment que ce tribunal devrait permettre d’ouvrir la voie à un avenir politique plus transparent, et à une société plus apaisée. Durant cette guerre, plus de 13 000 personnes ont été tuées, tandis que près de 1 600 personnes sont toujours portées disparues[2]. Cela en dit long sur les enjeux mémoriels qu’impliqueront les futurs jugements de cette juridiction spéciale.

Du côté de Belgrade, l’existence d’un tel tribunal est jugée positivement puisqu’il devrait permettre de faire progresser la justice et la réconciliation dans la région. Les premiers actes d’accusation devraient être livrés par le Tribunal spécial dès 2017.

[1] Mission de l’Union européenne sur l’État de droit au Kosovo

[2] Selon les statistiques du « Kosovo Memory Book », qui est un travail réalisé conjointement par de nombreux historiens et encadré par le Centre de droit humanitaire basé à Belgrade ainsi qu’à Pristina.

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