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Le JEFTA : l’occasion de rebondir

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Le JEFTA a été signé en juillet 2017. Il devrait entrer en vigueur en 2019.

Européens et Japonais négocient actuellement un accord de libre-échange qui doit progressivement supprimer certaines barrières douanières entre la première et la quatrième puissance économique mondiale. Entre réponse symbolique aux défis actuels et coup géopolitique, le JEFTA (Japan-European Free Trade Agreement) est porteur de nombreuses attentes.   

Le fruit d’un contexte difficile pour les deux parties prenantes : 

Si le projet avait été dévoilé dès 2013, les négociations ne se sont intensifiées qu’en 2017 après deux événements majeurs : le Brexit et l’échec du TPP. Shinzo Abe, le Premier ministre japonais, plaçait en effet beaucoup d’espoir dans la concrétisation du TPP, pour soutenir sa politique libérale (les fameux abenomics).  Avec l’élection du protectionniste Donald Trump, et son retrait immédiat du TPP, l’Europe est alors apparue comme le « meilleur second choix » de partenaire commercial.

Toutefois, le processus du Brexit menace les intérêts japonais sur le Vieux continent. En effet, le Royaume-Uni représente une porte d’entrée historique dans le marché unique pour les constructeurs automobiles nippons, Toyota et Nissan en tête, depuis qu’ils s’y sont installés dans les années 1980 à l’appel de Margaret Thatcher. De fait, pour pallier la sortie britannique du marché unique, le JEFTA propose la suppression progressive des droits de douanes sur les véhicules exportés.

D’autre part, le Brexit a plongé l’UE dans une profonde crise existentielle. Pour répondre à ses nombreux détracteurs, Bruxelles entend mettre en avant les réussites indéniables de l’Europe commerciale. A cet égard, le JEFTA garantit l’accès au marché japonais (soit plus de 120 millions de consommateurs) sans taxes pour la grande majorité des produits agricoles européens.

Une résonance mondiale : 

Toutefois, le JEFTA ne répond pas simplement aux défis internes, il permet d’envoyer un message symbolique à l’échelle mondiale. En effet, la Chine a fait part de sa volonté de se muer en porte-étendard du libre-échange, profitant de l’appel d’air né du repli américain initié par Donald Trump. Ainsi, deux concurrents économiques majeurs de la Chine tentent à l’unisson de contrecarrer sa prise de leadership dans la promotion du commerce mondial. En effet, le JEFTA concerne 30% du PIB mondial et un vaste marché de plus de 600 millions de consommateurs. Il sonne donc la contre-offensive du libre-échange après un retour en force du protectionnisme, illustré par le Brexit puis l’élection du Président Donald Trump au slogan « America First ».

Cet accord répond par conséquent au besoin commun des Européens et des Japonais d’apparaître comme des modèles sur la scène internationale. Les deux « géants économiques mais nains géopolitiques » dépourvus de véritable pouvoir de contrainte s’illustrent ainsi par la négociation d’un accord bénéfique à leurs puissances commerciales. Le JEFTA est par ailleurs marqué du sceau du Soft Power à travers un volet consacré au développement durable, préoccupation cruciale aux yeux des Japonais comme des Européens.

Le JEFTA est donc perçu comme une véritable aubaine des deux cotés. Il exploite des complémentarités tant économiques que géopolitiques entre le Japon et l’UE, et fait de ces deux acteurs des chefs de file de la défense du libre-échange mondial. Toutefois, Greenpeace dénonce des lacunes concernant la chasse à la baleine, le bois importé illégalement ou encore l’épineux problème de la mise en place de tribunaux d’arbitrages. Pour autant, Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, a réaffirmé récemment l’importance pour l’UE de ce type d’accord, et sa volonté d’en négocier avec le Mexique ou l’Australie.

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