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L’arme énergétique russe : exemple de Gazprom

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En 2008, Laurane Mandeville, journaliste au Figaro, avait déclaré dans le cadre d’un colloque sur la géopolitique de la mer Noire que le pétrole et le gaz étaient les seuls alliés de la Fédération de Russie sur la scène internationale. Ces propos semblent être confirmés puisque le pays est le principal fournisseur de gaz d’Europe. Selon les analystes, l’approvisionnement mondial de gaz devrait reposer à terme sur la Russie, qui fournit déjà plus de la moitié des besoins européens, et passerait à plus de 70 % d’ici 20 à 30 ans. Le pays n’hésite pas, en outre, à mettre en place une diplomatie basée sur le chantage pétrolier comme le montre les conflits gaziers russo-ukrainiens de 2005 à 2009.

D’un point de vue géopolitique, le gouvernement russe structure ses relations avec l’extérieur par le pétrole et le gaz.

Le paysage pétrolier russe

Dans le paysage du pétrole et du gaz, le gouvernement a longtemps été impliqué et contrôle les principales compagnies depuis l’éclatement de l’URSS. Depuis cette période, la Fédération de Russie a commencé à privatiser l’ensemble des groupes dans le secteur du pétrole et du gaz. Ces secteurs sont dorénavant devenus deux piliers de l’économie du pays. D’ailleurs, ils représentent plus de la moitié des revenus nationaux. En Russie, il existe deux catégories de compagnies suivant leur taille :

  • Cinq firmes plus leurs Joint-Ventures (ou coentreprises) qui représentent plus de 75% de la production totale russe en pétrole et en gaz, contrôlée directement par le gouvernement à plus de 50%. Ces firmes sont Rosneft, Lukoil, TNK-BP, Surgutneftegaz et Gazprom Neft.
  • Les compagnies de plus petites tailles qui sont plus sensibles aux changements des prix.

Dans le but d’asseoir la suprématie de la Russie dans ces deux secteurs, de nombreux ministères sont concernés. Les trois principaux sont :

  • Le Ministère des Ressources Naturelles et de l’Environnement qui a la responsabilité des licences, de surveiller la conformité et le respect des licences et, éventuellement, de donner des amendes en cas de violations des régulations.
  • Le Ministère du Développement Économique qui est responsable de la supervision des tarifs.
  • Le Ministère des Finances qui est chargé des taxes sur les hydrocarbures dont celle sur les exportations

Concernant la production, les réserves de pétrole de la Russie s’élèvent à 80 millions de barils en janvier 2016. Le pays possède également 25% des réserves naturelles mondiales. Ces dernières sont principalement situées dans l’Ouest sibérien. Dans une logique de raréfaction des ressources, les entreprises nationales pétrolières du pays ont entamé depuis quelques années des projets de prospection dans le but de trouver de nouveaux gisements.

Gazprom : une ouverture sur l’Europe

Gazprom, en plus d’être une entreprise nationale russe, est le premier producteur et exportateur de gaz dans le monde. Le groupe est présent sur l’ensemble la chaîne gazière avec un contrôle de l’ensemble des activités de l’extraction au transport du gaz en passant par sa transformation. Avec un contrôle de 80% de la production de gaz russe, le groupe, et in fine Moscou, aspire à poursuivre son expansion à l’international. Le marché européen lui permet d’obtenir des revenus plus importants que le marché intérieur du pays.

Gazprom dispose du plus grand réseau de distribution de gaz au monde. L’entreprise possède un grand système de pipelines de plus de 16 000 kilomètres, appelé l’UGSS. Ce dernier traverse la Russie ainsi que les anciennes démocraties populaires et s’entend jusqu’à l’Europe occidentale. Ce réseau met en lumière le fait que Gazprom cherche à contrôler l’ensemble de la chaîne gazière. Il s’agit donc d’une concentration horizontale dans le but d’avoir la mainmise sur les consommateurs finaux – qui sont en règle générale les États. Afin de pouvoir diversifier les sources de revenus, soit en d’autres termes trouver de nouveaux clients, Gazprom, soutenu par Moscou, a initié différents projets. Actuellement à des phases d’aboutissement variables, les deux principaux sont :

  • Le Nord Stream, un gazoduc de 1224 kilomètres allant de la Portovaya Bay (Russie) à Greisfwald (Allemagne). Le réseau est composé de deux gazoducs traversant la mer Baltique pour empêcher les risques de blocages de la part d’autres pays et notamment l’Ukraine. Leur capacité de transport représente plus de deux tiers de la consommation française, et de ce fait, possède un véritable enjeu pour l’économie russe.
  • Le South Stream, un projet de gazoduc qui devait relier dès l’horizon 2015 la Russie à l’Europe occidentale en contournant Kiev par le sud de l’Europe. Celui-ci est toujours en développement et en construction.

Dans toute l’Europe, le groupe conclut des contrats d’approvisionnement à long terme avec des leaders européens dans le domaine de l’énergie et, qui se révèlent être des partenaires historiques tels que GDF Suez pour la France ou bien BASF en Allemagne. Dans ce dernier pays, Gazprom possède une filiale, Gazprom Germania GmbH, qui est la détentrice des actifs européens du groupe. De plus, la sonorité germanique du nom a permis à l’État russe de parvenir à des associations avec des entreprises allemandes telles que Wintershall qui détient le leadership du pétrole et du gaz dans le pays.

Depuis 1992, Gazprom apparaît comme le prolongement de Moscou, qui détient la moitié des actions plus une, en dehors des frontières russes, et comme un levier vers des éventuelles négociations politiques.

En effet, les ressources pétrolières se raréfiant et les pays occidentaux ayant besoin de plus en plus d’énergie, le gouvernement russe voit là une possible diplomatie par le pétrole. Ainsi, le pays espère pouvoir contrôler l’espace européen par le biais de ses ressources. Toutefois, il s’agit en d’un jeu à sommes nulles. L’Union européenne et ses États membres auront besoin de la Russie pour s’approvisionner. Et cela, même si l’UE tente de chercher de nouvelles sources d’approvisionnement. De son côté, la Russie aura besoin de l’Europe en tant que client. Tout en sachant que le pays a déjà commencé à se rapprocher de l’Asie.  On parle, à ce propos, de pivot eurasiatique.

Grâce aux relations étroites entre Gazprom et Moscou, dont l’exemple le plus marquant est le fait que son directeur général, Alexeï Miller était, auparavant, le vice-ministre russe en charge de l’énergie, le pays parvient à gagner les différentes strates du monde politique. L’exemple le plus marquant est la nomination en 2005 de l’allemand Gerhard Schröder, en tant que président du comité d’actionnaires du gazoduc Nord Stream.

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