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Brexit : première progression dans les négociations

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Première avancée significative dans le processus du Brexit : le Conseil européen, réuni à 27 lors du dernier sommet, a jugé que des progrès suffisants ont été accomplis pour passer à la phase de négociation suivante. Si cette décision est saluée de part et d’autre de la Manche, Theresa May et les Britanniques sont loin d’être au bout de leur peine.

Le Conseil européen, réuni à 27 vendredi 15 décembre, s’est prononcé : la négociation du Brexit peut entrer dans sa seconde phase. Sur les conseils de Michel Barnier, négociateur en chef de l’Union européenne (UE), les chefs d’États européens ont considéré que des progrès suffisants ont été accomplis dans la première phase.

Pour rappel, c’est l’UE qui a exigé que la négociation du Brexit se déroulerait en deux phases distinctes. Dans un premier temps, la négociation porterait sur l’accord de retrait et les trois principaux dossiers qui le composent (le droit des citoyens expatriés, la frontière irlandaise et le règlement financier). Dans un second temps, les deux parties discuteraient de leur relation future.

Le séquençage vise principalement le règlement financier

Vendredi 8 décembre, un accord a été trouvé apportant des éléments de réponse à ces trois questions. L’intérêt de ce calendrier pour l’UE est de priver les Britanniques du principal levier dont ils disposent dans ces négociations : le règlement financier. Injustement qualifié de facture du Brexit, ce dossier représente bien un solde de tout compte. La grande majorité des États membres ont une sorte de dette envers l’UE, contractée suite à des engagements budgétaires qui n’ont pas été honorés, on appelle ça le « reste à liquider ».

Pour le Royaume-Uni, il s’élève environ à 35 milliards d’euros. Les Européens voulaient donc obtenir des Britanniques la promesse qu’ils honoreraient leurs engagements pris en tant qu’État membre, avant d’évoquer la relation future. De cette manière, le gouvernement de Theresa May ne pourrait pas utiliser cette somme d’argent dans un chantage à un accès préférentiel au marché unique. L’accord du vendredi 8 stipule donc que le Royaume-Uni respectera ses engagements financiers, selon les conditions prévues lorsqu’il était membre de l’UE.

Sans surprise, l’accord est beaucoup plus vague sur les autres questions, particulièrement sur la frontière irlandaise. Pour ce dossier, il est compliqué, pour ne pas dire impossible, de trouver une solution sans avoir une idée précise de la relation future.

A présent, la seconde phase des négociations va pouvoir débuter. Le plus dur reste à faire puisqu’il s’agit de définir la nouvelle relation entre l’UE et le Royaume-Uni. 

Theresa May souhaite que cela se fasse le plus vite possible, mais les 27 doivent encore s’accorder sur leurs exigences, et cela pourrait prendre jusqu’au mois de mars prochain. Le calendrier est extrêmement important dans cette négociation car l’accord final doit être rédigé d’ici octobre 2018 de manière à permettre aux parlements nationaux de le ratifier avant mars 2019, date officielle de la sortie du Royaume-Uni de l’UE.

Sur le plan de la politique interne au Royaume-Uni, Theresa May a donc enfin réussi à marquer des points. Mais le répit aura été de très courte durée, le Premier ministre, qui a beaucoup de mal à imposer son autorité depuis les élections anticipées de juin 2017, a essuyé un nouveau revers lorsque son Parlement a voté un amendement rendant obligatoire la validation par les députés de l’accord final. Preuve supplémentaire du peu de confiance qu’ils lui accordent.

Mais le plus gros défi qui attend le Premier ministre, c’est de faire le pont entre les deux accords. L’accord du vendredi 8 devra être conclu officiellement avant fin mars 2019 alors que l’accord sur la relation future ne pourra l’être qu’après le mois de mars 2019 car l’UE ne peut légalement pas conclure un traité de libre-échange avec l’un des États membres. Hors, l’accord du vendredi 8 ne garantit en aucun cas un accord de libre-échange pour la suite. Les Britanniques visent un accord CETA + (comprendre un accord commercial comparable à celui conclu entre le Canada et l’UE en y ajoutant les services financiers) et ils considèrent que leur main est renforcée par l’article 96 de l’accord du vendredi 8. Celui-ci stipule que l’accord conjoint – y compris les engagements financiers et les engagements sur la frontière irlandaise – ne vaut qu’à condition que l’accord de retrait d’octobre 2018 « prenne en compte le cadre de la relation future ».

Mais cette garantie reste mince, d’ailleurs, de leur côté, les Européens ne parlent pas d’un accord CETA + mais d’un accord Canada Dry (comprendre sans les services financiers).

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Jordi LAFON

Journaliste indépendant et analyste géopolitique, diplômé d'un double master géoéconomie (IRIS) et affaires européennes (Paris 8), membre du Groupe d'Etudes Géopolitique. Spécialiste du Brexit et des questions européennes.

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