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Rétrospective 2016 : le statu quo politique africain

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2016 était une année particulièrement dense pour la politique africaine, avec une quinzaine d’élections présidentielles réparties sur le continent. Malgré divers troubles, la plupart des suffrages se sont soldés par un maintien au pouvoir des dirigeants en place, bien loin des espoirs avoués par certains de renversements comme celui du Burkina Faso fin 2014.

Le Président de la RDC, Jospeh Kabila, emblème de ces dirigeants africains accrochés à leur fauteuil

Nous pouvons distinguer trois grandes orientations sur ces suffrages africains.

La première, assez peu représentée, est la désignation d’un nouveau dirigeant, pour des raisons le plus souvent constitutionnelles. Le Bénin est le principal exemple de cette catégorie. L’ancien Président Boni Yayi ne pouvait se représenter après deux mandats et s’est donc retiré du pouvoir sans avoir usé d’artifices que d’autres, plus au sud du continent, ont pu utiliser. En mars, c’est l’indépendant Patrice Talon, en froid avec l’ancien pouvoir, qui a été élu face au favori Lionel Zinsou, économiste et premier ministre. En Centrafrique, c’est dans un contexte post-guerre que se sont tenue ces élections, après de nombreux reports et des Présidences par intérim. L’ancien président Bozizé, chassé en 2013, n’a pas pu se représenter, mais c’est son ancien premier ministre, Touadéra, qui a été élu. Nul doute que son premier défi sera la pacification du pays, avec le soutien de l’armée française.

La deuxième orientation est, quant à elle, plus répandue sur le continent. Il s’agit du maintien au pouvoir du Président en place, parfois depuis plusieurs décennies, à coup de procédés peu démocratiques. Cela affecte particulièrement le Golfe de Guinée. Au Congo-Brazzaville, le Président Sassou Nguesso, avec la nouvelle Constitution promulguée fin 205, pouvait se représenter au scrutin de mars 2016. Avec son slogan « Un coup KO », il souhaitait que le peuple congolais l’élise dès le premier tour. Ce fut le cas avec 60% des votes, dans un scrutin entaché d’irrégularités, de coupures des réseaux téléphoniques et d’Internet, d’assignation à résidence d’opposants. Au Gabon, quelques mois plus tard, Ali Bongo remporte une élection ubuesque face à son ancien beau-frère Jean Ping, d’une très courte tête. Le scrutin est là encore fortement contesté, notamment en raison d’un score plus que surprenant dans la province du Haut-Ogooué, où Bongo est crédité de 99,94% des votes. D’autres pays connaissent un sort similaire : l’Ouganda, où le Président Museveni se maintient au pouvoir pour la cinquième fois, ainsi que la Gambie, où le Président Barrow nie les résultats de la présidentielle de début décembre qu’il semble avoir perdue, sans oublier le Niger et la Guinée équatoriale.

La dernière orientation concerne la seule République Démocratique du Congo. Alors que les présidentielles devaient se tenir en décembre, elles ont été repoussées en 2018. Là encore, le président Kabila ne peut pas se représenter dans l’actuelle Constitution et songe donc sérieusement à la faire évoluer. Sous la pression populaire, il a dû reculer et a nommé un de ses opposants comme Premier Ministre, S. Badibanga.

Ainsi, l’évolution démocratique souhaitée par certaines puissances étrangères et certains mouvements d’opposition reste très modeste à l’échelle du continent. La plupart des dirigeants réélus cette année s’accrochent au pouvoir pour satisfaire leur clan et pour s’éviter de douloureux procès en cas de défaite, comme ce fut le cas pour l’Ivoirien Gbagbo. C’est bien cela qui est incompris par la majorité des observateurs internationaux, obnubilés par leur idéal démocratique qui se fracasse face aux dures réalités africaines. Néanmoins, on ne peut que saluer les nombreuses vagues populaires qui ont tenté d’émerger au cours de différents scrutins mais sans parvenir à renverser l’ordre historiquement établi, et qui ont dû, parfois, constater des pertes civiles.

Alors oui, il n’est pas méprisant d’affirmer qu’à ce jour, bon nombre de pays du continent ne sont pas encore prêts pour une réelle alternance démocratique, ou au moins un multipartisme affirmé. Tomber dans le paternalisme inverse et ne pas reconnaître cet état de fait est bien plus inquiétant…

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