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Comment lutter contre les menaces sécuritaires dans le transport maritime ?

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Ci-dessus : exemple d'un moyen de sécurisation d’un navire à l’aide de canons à eau empêchant l’abordage. Source : Piracy and armed robbery against ships in waters off the coast of Somalia - Best Management Practices for Protection against Somalia Based Piracy, International Maritime Organization
Ci-dessus : exemple d’un moyen de sécurisation d’un navire à l’aide de canons à eau empêchant l’abordage. Source : Best Management Practices for Protection against Somalia Based Piracy, International Maritime Organization

Les voies maritimes de transport sont sujettes à de nombreuses menaces sécuritaires : piraterie maritime, attaques terroristes, malveillance, etc. Ces divers évènements peuvent avoir des impacts majeurs en termes financiers, politiques et/ou écologiques. Ainsi, à l’échelle mondiale, le coût de la piraterie maritime fût estimé à environ 16 milliards d’euros en 2013. Les revalorisations de primes d’assurance, l’emploi d’équipes de sécurité embarquées ou encore les rançons sont des exemples de frais découlant de la piraterie. Pour faire face aux risques sécuritaires impactant le commerce mondial d’hydrocarbures, les États et entreprises mirent en place diverses solutions …

L’emploi d’équipes de sécurité embarquées, est une pratique dorénavant plébiscitée par les compagnies d’assurance et permet de réduire le coût des primes d’assurance et appuient sur le plan opérationnel le travail des company security officiers (CSO) ou des ship security officiers (SSO). Les entreprises de sécurité privées offrent de nombreux services comme la sensibilisation et la formation à la gestion de crises des personnels navigants, la mise en place d’audits sûreté, la veille sécuritaire sur une région, l’escorte de navires ou encore la négociation lors de prises d’otages. A titre d’exemple, en 2006, la société américaine Blackwater (Xe depuis 2009) commença à proposer aux armateurs des services d’escortes assurés par un navire de soutien de 46.6 mètres équipé pour lutter contre la piraterie et disposant d’un pont d’envol pour hélicoptères.

En France, l’emploi d’entreprises privées de protection physique des navires (E3PN appellation retenue dans le rapport Leroy) fut, et reste, sujet à controverse. Ceci du fait d’une peur de voir se développer une forme de mercenariat, de ne pas pouvoir évaluer la compétence des équipes de sûreté embarquées ou de voir ces entreprises entretenir à dessein des foyers de déstabilisation pour garantir la pérennité et le développement de leurs activités économiques. En 2014, le « projet de loi n°1674 relatif aux activités privées de protection des navires » fut adopté par le Parlement français. Le projet de loi prévoyait que les armateurs français peuvent employer des agents d’entreprises de services de sécurité et de défense lorsqu’ils traversent des zones à forts risques sécuritaires. Le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) délivrera les autorisations afin d’exercer cette activité. L’usage des armements sera strictement encadré et limité aux cas de légitime défense. La mise en place de moyens techniques de sécurisation, s’illustre par la mise en place des moyens de sécurisation du navire (notamment dans le cadre du Code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires ISPS). L’objectif est d’empêcher toute personne mal intentionnée d’atteindre le navire à quai ou en mer. Des équipements spécifiques tels que des grilles de sécurité afin d’empêcher l’accès au navire, des barbelés afin d’empêcher l’abordage, des canons à eau (illustration), ou encore un sas de sécurité pour l’équipage, sont désormais requis par les assurances lorsque des navires semblent particulièrement vulnérables (la vulnérabilité s’établit ici en fonction du trajet, de la vitesse du navire, de sa cargaison, de son pavillon, de l’embarquement d’équipes de sécurité ou non).

Accroître les moyens de renseignement & la coopération internationale en particulier judiciaire, permet de réduire la piraterie dans des zones ciblées. Les flottes nationales de nombreux pays de l’hémisphère sud ne disposent pas d’assez d’effectifs et de bâtiments pour sécuriser l’ensemble des voies commerciales maritimes à risques, d’où l’emploi d’ESSD/E3PN. De plus, les flottes des états voisins des zones de piraterie sont sous équipées pour faire face à des structures criminelles organisées, équipées en armes, moyens logistiques et navires. Ainsi, des opérations de sécurisation, à l’instar de la TF 150 (2002) puis 151 (à partir de 2009) dans le golfe Persique et l’océan Indien, de ReCAAP dans le détroit de Malacca (2004), ou d’Atalante dans le golfe d’Aden (2008), sont mises en place par les Etats pour sécuriser les axes commerciaux. Le renforcement de la coopération judiciaire, notamment afin de pouvoir poursuivre les pirates dans les eaux territoriales d’un pays, est un enjeu majeur et pose des problèmes de coopération entre les Etats. La Combined Task Force 158 est un exemple de force internationale dédiée à la protection d’intérêts pétroliers. Mise en place après l’invasion de l’Irak en 2003, cette force composée d’unités américaines, anglaises, canadiennes, australiennes et irakiennes, assurait la sécurité des terminaux pétroliers. Le premier objectif de la marine américaine était de protéger les deux terminaux pétroliers, de Bassorah et Khor Al-Amaya et de lutter contre la piraterie et la contrebande de pétrole.

Le trafic maritime à proximité du Détroit de Malacca; Le système Automatic Identification System (AIS) est certes indispensable pour la navigation mais il peut être utilisé afin de se renseigner sur d'éventuelles cibles.
Le trafic maritime à proximité du détroit de Malacca; Le système Automatic Identification System (AIS) est certes indispensable pour la navigation mais il peut être utilisé afin de se renseigner sur d’éventuelles cibles.

En conclusion, un enjeu majeur serait de limiter l’accès aux renseignements en source ouverte dans le domaine maritime tout en maintenant un niveau optimal de circulation des informations auprès des acteurs économiques impliqués dans le commerce maritime (assurances, armateurs, entreprises clientes, forces de sécurité, etc.). En effet, les tankers/méthaniers sont des cibles faciles de part leur taille et leur lenteur mais aussi de part les nombreux renseignements disponibles afin de les identifier, de les tracer et de les intercepter. Ainsi, le système Automatic Identification System (AIS), obligatoire depuis l’entrée en vigueur du code ISPS, permet de suivre en temps réel un navire, de connaître son cap, son port d’arrivé mais également d’avoir accès à des informations pratiques comme sa hauteur/longueur, son identifiant radio etc. Bien que le système AIS soit mis en place dans le cadre d’une politique de sûreté, son accès ouvert sur Internet permet à toute personne mal intentionnée de détenir des informations stratégiques pour mettre en place une action. Il existe, pour d’éventuels assaillants, bien d’autres moyens de renseignement possibles comme utiliser les informations fournies par les terminaux portuaires sur les navires et leur cargaison, écouter la radio maritime, se voir fournir des renseignements par des complices, etc. Ainsi, lors de l’attentat visant le tanker Limburg en 2002, les terroristes savaient précisément dans quelle cuve était placé le pétrole et à quel endroit de la coque lancer leur embarcation piégée.

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