EnergieMéditerranéeMondialisation et enjeux

Le gaz en Méditerranée orientale, entre alliances et rivalités

Shares

Les découvertes de gisements gaziers en Méditerranée orientale depuis le début des années 2000 sont une aubaine pour les pays de la région. Toutefois, l’exploitation des réserves gazières s’avère être une pomme de discorde dans une région qui ne manque pas de tensions et de conflits.

sans-titre
Répartition des principaux gisements gaziers en Méditerranée orientale

Les années 2000 marquent les prémices des opérations de forage offshore en Méditerranée orientale, région bordée par la Turquie au nord, la Syrie, le Liban, Israël et la bande de Gaza à l’est, et l’Égypte au sud, avec en son centre l’île de Chypre. Si la découverte des gisements de Noa et Mari-B au large des côtes israéliennes et libanaises suscitent l’engouement en 2003, ce sont surtout les gisements de Tamar et de Léviathan, respectivement en 2009 et 2010, qui bouleversent la donne énergétique de la région. L’intérêt est multiple : réduire la lourde facture énergétique des pays concernés, de l’ordre de 11% du PIB en Israël et 15% au Liban en 2012, et assurer la sécurité de leurs approvisionnements énergétiques.

Une aubaine pour Israël

Israël peut se réjouir de la découverte des réserves gazières de Tamar, exploitées depuis 2013, et de Léviathan, exploitables à partir de 2018. D’importateur, Israël est en passe de devenir exportateur dans les années à venir, de quoi bouleverser la géopolitique régionale des hydrocarbures. Le pays était jusqu’alors fragilisé par sa dépendance énergétique à l’égard de ses pays voisins arabes, notamment à l’égard de l’Egypte qui représentait, en 2008, 40% de ses approvisionnements en gaz. La guerre de Kippour en 1973, et le blocage gazier et pétrolier qui s’en était suivi, avaient poussé l’Etat Hébreu à multiplier les opérations de prospection de gisements de gaz. Le gaz était alors utilisé comme instrument géopolitique pour calmer les ardeurs d’Israël, de sorte que la sécurité énergétique de ce dernier était conditionnée aux bonnes relations avec l’Egypte. Preuve en est, l’arrivée des frères musulmans au pouvoir en Egypte à la suite des printemps arabes avait eu pour conséquence la fermeture du gazoduc Arish-Ashkelon qui reliait les deux pays.

Un jeu d’alliances

Le gaz est au cœur d’un jeu d’alliances géopolitiques entre les États de la région. La découverte des gisements gaziers de Tamar et de Léviathan a eu des répercussions positives sur la relation entre Chypre et Israël. Un renforcement de la coopération militaire et des négociations portant sur une collaboration dans la recherche de ressources transfrontalières sont prévus. Les relations avec la Grèce sont également au beau fixe. Le rapprochement économique entamé au début des années 1990 s’est accéléré avec la découverte des gisements gaziers. Car en plus d’être un client potentiel pour l’exportation, la Grèce constitue une porte d’entrée stratégique vers l’Europe. En outre, la position de la Grèce et de Chypre vis-à-vis d’Israël se définissait essentiellement par rapport aux relations étroites que cet État nouait avec la Turquie, en froid avec les deux premiers. Or, au contentieux qui oppose les deux pays sur la délimitation des zones maritimes contenant les gisements de gaz s’ajoute le torpillage par l’armée israélienne du Mavi Marmara, un bateau dirigé par des activistes turcs qui avaient tenté de forcer le blocus israélien pour fournir une aide alimentaire aux Palestiniens. Mais depuis 2013, à l’initiative des Etats-Unis, le dialogue israélo-turc est relancé. Les intérêts sont réciproques : la Turquie cherche à diversifier ses importations de gaz principalement issues de Russie alors qu’Israël souhaite raccorder son réseau de pipelines à celui reliant le Caucase et l’Europe en passant sur le sol turc.

A ce jeu d’alliance se greffe une autre lutte opposant les puissances internationales. L’Europe, qui souhaite réduire sa dépendance énergétique à l’égard de la Russie, et l’Asie, dont la demande en gaz ne cesse de croître pour alimenter sa croissance, se disputent toutes deux le gaz israélien. Cette compétition prend également forme à l’échelle des entreprises : Total, Eni (Italie) et Kogas (Corée du Sud) sont en concurrence pour l’exploitation des gisements en Méditerranée orientale. Le calme dans cette région ne semble pas revenir d’ici tôt…

Shares

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *