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La géopolitique des éléments ou les 4 grands défis du XXIe siècle

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À l’occasion de la parution du dernier livre des Yeux du Monde intitulé Panorama des ressources mondiales, Acteurs et enjeux du XXIe siècle (Les Editions du Net, mars 2016), penchons-nous sur les grands défis que l’humanité a et aura à surmonter au cours du siècle. Sans surprise, ces défis concernent tous directement ou indirectement la gestion des ressources naturelles. À y regarder de plus près, ils redessinent les 4 éléments décrits par le philosophe grec antique Empédocle (Ve siècle av. J.-C.) : l’air, l’eau, la terre et le feu.

L'air (climat), l'eau, la terre et le feu (énergie), 4 éléments qui esquissent les principaux défis géopolitiques de l'humanité au XXIe siècle
L’air (climat), l’eau, la terre et le feu (énergie), 4 éléments qui esquissent les principaux défis géopolitiques de l’humanité au XXIe siècle

L’air

Selon cette métaphore, l’élément « air » désigne le climat. En effet, la question du réchauffement climatique se révèle absolument centrale pour le devenir de l’humanité. Organisée à Paris en décembre 2015, la COP21 a été l’occasion de réunir 195 États autour de cette thématique. Il en résulte l’accord de Paris qui oblige les pays à contenir l’augmentation de la température terrestre moyenne sous le seuil de 2°C voire de 1,5°C. Un enjeu majeur pour les populations du monde entier différemment affectées par le réchauffement climatique : désertification dans le Sahel, hausse du niveau des mers qui menace d’engloutir certaines îles (Maldives, Tuvalu, Grenade, Cuba) et bordures littorales (Pays-Bas, Birmanie), augmentation et intensification des catastrophes naturelles ou plus simplement pollution extrême de l’air due aux rejets de gaz nocifs dans l’atmosphère (Chine).

L’eau

L’accès des populations à l’eau douce devrait demeurer un problème crucial. De fait, le réchauffement climatique dérègle le cycle de l’eau. Il en résulte la désertification de certaines régions du monde et un accroissement des pluies diluviennes sur d’autres. La répartition chaotique des précipitations lance un défi aux Etats qui devront trouver des parades efficaces sur le long terme tant pour abreuver leur société que pour irriguer les cultures ou produire de l’hydroélectricité. Les progrès technologiques (usines de dessalement d’eau de mer) mais surtout un changement du mode de production (agriculture économe en eau) devront voir le jour car, sans cela, il faudra probablement gérer des migrants de la soif voire des conflits inter ou intra étatiques, dus en partie à la gestion de l’eau.

La terre

Maîtrise et convoitise des territoires sont traditionnellement au cœur des conflits entre les sociétés et constituent donc l’essence de la géopolitique. Néanmoins, du fait de l’accroissement de la population mondiale (7 milliards d’habitants aujourd’hui, potentiellement 9 milliards en 2050) et de l’augmentation de la consommation des ménages des pays émergents et en développement, la sécurité alimentaire devrait devenir l’un des défis majeurs de l’humanité. Selon la FAO, la demande en nourriture, aliments pour le bétail et fibres textiles devrait bondir de 60 % d’ici 2050. Or, cette préoccupation alimente ce que l’on appelle le land grabbing (accaparement des terres). Des fonds d’investissement privés ainsi que des Etats achètent ou louent des terres étrangères. Ainsi entre 2000 et 2016, environ 1 200 contrats de ce type ont été signés pour une superficie de terres achetées (ou louées) d’environ 430 000 km2, soit les superficies de l’Allemagne, de la Belgique et des Pays-Bays cumulées. Les pays les plus touchés se trouvent principalement en Afrique (Soudan, RDC, Tanzanie) mais aussi l’Ukraine par exemple. Sachant que seulement 9 % des terres concernées par le land grabbing sont exclusivement réservées à l’alimentation, des tensions sont à prévoir sur ces terres convoitées desquelles les paysans locaux sont le plus souvent expropriés. En outre, l’accès aux métaux stratégiques et donc aux terrains les contenant deviendra une préoccupation centrale pour les grandes puissances de demain.

Le feu

Enfin, le feu symbolise ici l’énergie. Les hydrocarbures (pétrole et gaz) demeureront des matières premières convoitées. En effet, les réseaux d’oléoducs et de gazoducs sont au fondement de ce que l’on appelle la « géopolitique des tubes ». L’augmentation de la demande énergétique devrait logiquement accentuer la pression sur des ressources en voie de raréfaction. Dans ce contexte, la transition énergétique – c’est-à-dire le passage d’une économie fondée principalement sur des énergies fossiles, grosses émettrices de gaz à effet de serre, à un modèle centré sur les énergies renouvelables – devient le nouvel horizon des politiques énergétiques progressistes. Cependant, la lutte contre le réchauffement climatique et donc le nécessaire besoin de diminution des rejets carbonés ne doivent pas masquer une réalité environnementale plus globale. En effet, les énergies alternatives comme le solaire et l’éolien sont fortement consommatrices de métaux rares. Ainsi, le risque serait de remplacer les puits de pétrole par des milliers de mines polluantes afin d’extraire les métaux stratégiques comme le néodyme et le dysprosium (éolien) ou encore le germanium et l’indium (solaire). N’oublions jamais que la préservation de l’environnement ne se réduit pas à la lutte contre le réchauffement climatique.

En somme, l’air (climat), l’eau, la terre et le feu (énergie) constituent bien les quatre éléments fondamentaux qui seront très probablement au cœur des principaux défis géopolitiques du XXIe siècle.

Si vous souhaitez approfondir ces questions passionnantes, vous trouverez des explications claires illustrées d’exemples précis dans le dernier ouvrage des Yeux du Monde intitulé Panorama des ressources mondiales, disponible en cliquant sur ce lien.

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Rémy SABATHIE

Secrétaire général et rédacteur géopolitique pour Les Yeux du Monde, Rémy Sabathié est analyste en stratégie internationale et en cybercriminalité. Il est diplômé de géopolitique, de géoéconomie et d’intelligence stratégique.

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