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L’hypothétique transition énergétique et ses conséquences

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Alors que la dépression qui touche le marché hydrocarboné (pétrole, gaz) depuis plus de deux ans a été principalement attribuée à un excès d’offre, certains se posent plutôt la question de savoir si le pic de la demande est proche d’être atteint plus tôt que prévu. Ce qui constituerait une disruption historique sur les marches énergétiques.

Les rigs de forage, en stand-by depuis la baisse des cours pétroliers, bientôt en arrêt complet ?
Les rigs de forage, en stand-by depuis la baisse des cours pétroliers, bientôt en arrêt complet ?

Le pétrole et le gaz demeurent, depuis près d’un siècle, les énergies-clés du développement de l’économie-monde. Avec un charbon en net repli, un nucléaire décrié, et des énergies renouvelables encore trop chères, les hydrocarbures constituent toujours la première source d’énergie primaire au monde. Néanmoins, la chute des cours pétroliers et gaziers, perceptible depuis fin 2014, a montré que la demande en produits hydrocarbonés stagne. La demande, principalement venue des grands pays émergents ainsi que des puissances historiques, tend de plus en plus à privilégier d’autres sources énergétiques, même si cette mutation s’avère très lente à mettre en place. De là à penser qu’un « peak oil » de la demande a été atteint, il n’y a qu’un pas…

Le modèle économique des hydrocarbures actuel valorise extrêmement les réserves, i.e. ces productions futures que les pays producteurs gardent dans leur sol, et qu’ils pensent pouvoir extrêmement valoriser en cas de remontée des cours. Or, ce modèle semble remis en cause à la lumière de récents changements. Pour certains spécialistes*, les avancées technologiques des énergies dites alternatives vont être plus marquées que prévu, poussant drastiquement à la baisse le coût de leur utilisation. Dans l’automobile par exemple, il semble que les voitures électriques progressent plus vite que prévu, ce qui pourrait, à court ou moyen terme, exercer une véritable concurrence entre voitures à essence et électriques. De même, certains imaginent qu’une vague verte s’étende sur la planète, dans la lignée de la COP21 et des objectifs ambitieux fixés lors de la conférence pour les années à venir. Pour les pays producteurs et les entreprises du secteur, c’est une mutation dramatique : lesdites réserves pourraient ne pas être si rémunératrices que prévu, entraînant potentiellement une perte de confiance notable de la finance internationale envers eux.

Même si ces scénarios demeurent discutables, ils commencent à influencer les grands producteurs d’hydrocarbures. Les stratégies de diversification se multiplient, notamment via les fonds souverains qui investissent à tour de bras partout sur la planète. Mais cette diversification n’est possible que pour les grands producteurs, laissant en crise bien d’autres, comme le Venezuela, l’Angola, etc. Les grands vainqueurs seront les pays consommateurs, qui pour beaucoup ont massivement investi dans diverses subventions afin de limiter les effets des chocs énergétiques et qui seraient donc fortement réduites. Leur montant était ainsi estimé à plus de 5000 milliards de dollars en 2015 (6% du PIB mondial).

Une transition énergétique encore largement hypothétique

Les entreprises, quant à elles, se posent déjà des questions. Faut-il continuer à produire des hydrocarbures à moindre coût, ou changer de business model ? Pourront-elles encore investir massivement dans de grands projets alors que les consommateurs commencent à se tourner vers d’autres énergies dites « propres » ? Les majors du secteur ne sont pas encore engagées dans l’après pétrole, à l’exception notable de Total, présent dans le solaire via sa filiale Sun Power, et plus récemment  via l’achat de Saft, grand fabricant français de batteries.

Ainsi, bien que les scénarios de l’après-pétrole commencent à être plus documentés et précis, leur concrétisation demeure encore fortement hypothétique, surtout du strict point de vue économique. Mais il ne fait guère de doute qu’en cas de remontée notable des cours pétroliers et gaziers, le débat se fera bien plus pressant.

*Voir notamment https://www.weforum.org/communities/global-agenda-council-on-the-future-of-oil-gas

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