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Le patrimoine, nouvel enjeu géopolitique ?

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Logo de l'UNESCO et du label Patrimoine mondial
Logo de l’UNESCO et du label Patrimoine mondial

Le 22 août s’ouvrait le procès d’Ahmad al-Faqi al-Mahdi devant la Cour Pénale Internationale poursuivi pour crimes de guerre. Ce touareg malien est accusé d’avoir ordonné la destruction de mausolées de Tombouctou, classés au patrimoine mondiale de l’Humanité, dans le cadre du conflit ayant sévit dans le nord du Mali. La destruction par l’organisation terroriste Ansar ed-Dine a notamment été filmée et diffusée à des fins de propagandes. Dans la même logique que la destruction du patrimoine syrien (Palmyre) et irakien (Nivine), cette l’utilisation comme arme de guerre en illustre l’importance idéologique et géopolitique.

Le patrimoine mondial, défini par l’UNESCO est un bien dont la valeur exceptionnelle conduit à son inscription sur la liste du comité du patrimoine mondial. Ces biens sont dès lors répertoriés, catalogués et conservés en tant que bien importants pour l’héritage commun. La Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel en date du 16 novembre 1972 constitue la base légale de ce programme. L’UNESCO veille, à travers les fonds du World Heritage Fund à leur préservation et mise en valeur. L’organisme tente également de préserver un équilibre entre les pays développés et en développement, plus de 40% du patrimoine étant regroupé en Europe et en Amérique du nord et moins de 10% sur le continent africain. La création du « patrimoine immatériel » permet également ce rééquilibrage. En 2014, plus de 1000 biens y étaient inscrits dans 161 Etats. L’enjeu de la patrimonialisation est avant tout économique, de tels sites favorisant le tourisme culturel.

Une patrimonialisation instrumentalisée dans une logique anti-occidentale

Si la désignation comme bien appartenant au patrimoine mondial de l’humanité confère un certain prestige et conduit à une mise en tourisme importante, elle conduit également à un certain nombre de dégradation ainsi qu’à une essentialisation des lieux. De nombreux pays du sud reprochent également à l’UNESCO d’imposer une conception occidentale du patrimoine, éloignée des pratiques initiales et des usages locaux. Loin d’apparaitre consensuelle, la notion de patrimoine, si elle se veut « universelle » resterait ainsi marquée par un paradigme culturel occidental, que la notion de « patrimoine immatériel » tente également de corriger. Toutefois, cette lecture de la patrimonialisation a été particulièrement instrumentalisée dans les conflits récents au Mali, en Syrie et en Irak. En attaquant ces lieux symboliques, l’idée est dès lors d’ajouter aux pertes humaines considérables l’image d’un refus de l’hégémonie occidentale et ainsi de sa vision du monde. A l’échelle nationale, le pillage de musée et la destruction d’œuvre lors d’un conflit reflète également la volonté de détruire le fondement d’un peuple ou d’une civilisation. Il s’agit également d’un rejet d’un « soft power patrimonial » (F. Argounes) qui tend à associer la culture aux pays riches et développés. La volonté de certains dirigeants, à l’instar de François Hollande, de créer un « droit d’asile des œuvres d’art », comporte le risque d’être appréhendée par les populations des pays en guerre de la même manière. Si le procès d’Ahmad al-Faqi al-Mahdi à la CPI apparait crucial et symbolique, il constitue également un aveu de faiblesse de la Cour ne parvenant qu’à juger des crimes de guerre concernant des biens, tandis que d’autres bourreaux n’ont pu être inquiétés et attraits devant elle.

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