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Monnet, De Gaulle, Delors : trois Français, trois idées d’Europe

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Jean Monnet, père du fédéralisme européen
Jean Monnet, père du fédéralisme européen

Jean Monnet peut être considéré comme l’un des pères fondateurs de l’Europe, au même titre que Robert Schuman ou l’Italien Andrea De Gasperi. Il a plaidé, dès le début, pour une Europe fédéraliste, c’est-à-dire avec une primauté de la communauté sur les Etats membres. La formule « nous ne coalisons pas les Etats, nous unissons des hommes » est restée célèbre. Le principal fait d’armes supranational reste la réalisation de la Haute Autorité de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA), dont il a été le Président de 1952 à 1955. Pour lui, il n’est pas question de parvenir à une Europe fédéraliste d’un seul coup. Toute sa vie, Monnet a cherché le compromis entre les différents membres de la CEE, cela étant symbolisé par sa fameuse politique des « petits pas ». Mais l’échec de la Communauté Européenne de Défense (CED), en 1954, montre bien les limites, à l’époque, de la pensée de Monnet.

Mais, à la même période, à Monnet l’Européen s’oppose De Gaulle le Français. La perte de crédibilité du premier après 1956 entraîne la montée en grade du second. Certes, arrivé au pouvoir en France fin 1958, De Gaulle doit subir les premiers pas de la Communauté Economique Européenne (CEE), née au début de l’année. Cependant, il parviendra à influencer grandement le destin de l’Europe pendant les années 1960. A la vision atlantiste de Monnet, De Gaulle préférera une Europe bien autonome du camp occidental défendu par les Etats-Unis. Et surtout, à l’Europe fédéraliste souhaitée par Monnet, De Gaulle répondra que seule une Europe des Etats peut exister, avec donc une primauté du Conseil des Ministres. Le modèle confédéral est donc né. Certes, la construction est importante, mais la primauté des Etats doit être respectée. La France, sous De Gaulle, fera longtemps cavalier seul sur certains sujets, comme lors de la politique de la chaise vide, en 1966, De Gaulle obtenant alors la possibilité d’un droit de veto pour tous les Etats européens. La France est alors plus germaniste qu’atlantiste.

Reste alors une troisième voie, incarnée par Delors. En tant que président de la Commission, de 1985 à 1995, il a tout simplement créé la puissance monétaire et économique de la future Union Européenne, avec l’Union Economique et Monétaire (l’UEM) par exemple. Mais sa théorie reste néanmoins floue. Il n’approuve pas pleinement le fédéralisme, au contraire de Monnet. Mais définir l’UE comme « une fédération d’Etats-nations » en dit long : faute de savoir quel doit être le poids réel de l’Etat, Delors reconnait qu’il forme l’ossature de la communauté. Plaider pour la subsidiarité implique que l’Etat reste souverain par rapport à l’UE. Mais, au vu des nombreuses institutions qu’il a contribuées à créer, il est évident qu’avec lui, une Europe plus forte politiquement est née.

Mais en 2010, on peut considérer qu’aucune de ces trois visions d’Europe ne domine. Elle n’est en tout cas pas celle que De Gaulle voulait : l’UE est majoritairement atlantiste, et les Etats n’ont aujourd’hui plus beaucoup de marge de manœuvre pour établir leurs propres lois.

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