Tiers-Monde et émergents

La question des frontières africaines (2/2)

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Après avoir étudié leur genèse, il convient désormais d’étudier la triple unicité des frontières actuelles de l’Afrique. Littoralisation, porosité et durabilité sont les marqueurs de la géographie africaine depuis des décennies.

Le Sud-Soudan, unique contre-exemple de l'intangibilité des frontières africaines
Le Sud-Soudan, unique contre-exemple de l’intangibilité des frontières africaines

Pour la majorité des pays d’Afrique littorale, les frontières ont permis la création de nouvelles villes ouvertes sur le monde. Certes, la plupart se sont implantées dans ou près d’anciens comptoirs ou ports utilisés à l’époque de la colonisation, notamment à l’Ouest. Néanmoins, s’il est bien un continent où la frontière a poussé divers Etats à littoraliser leur capitale, c’est bien l’Afrique. Ainsi, la grande majorité des pays du littoral ont forgé leur capitale politique au bord des océans, voire parfois leur capitale économique. Les frontières ont ainsi permis un développement d de la côte vers l’intérieur des terres, notamment via le chemin de fer ou la route. Aujourd’hui, le défi n’est plus réellement de développer les villes : c’est l’intérieur du pays, parent pauvre de la colonisation et du développement économique, qui fait l’objet de diverses politiques.

L’unicité de la frontière africaine se retrouve également d’un point de vue économique. En effet, loin d’être une séparation, elle est un véritable espace d’échanges, légaux, mais également illégaux. L’extrême porosité de certaines frontières et la vaste étendue du continent rendent les migrations et les échanges beaucoup moins contrôlés. Le Golfe de Guinée est probablement l’exemple le plus connu, notamment autour du delta du Niger. Le Nigeria, pays le plus riche de la région, est entouré par les pays de la zone franc et multiplie les échanges avec ceux-ci en raison de la non-convertibilité de sa monnaie. La constitutionnalité de la frontière est ainsi en de nombreuses fois oubliée ou inconnue de ceux vivant de ces échanges économiques voire humains. Contrebande, migrations clandestines ne sont pas des fléaux pour l’Afrique : elles servent aussi à faire vivre des millions de personnes vivant dans ces espaces frontaliers actifs.

Enfin, pour un continent ravagé par de très nombreuses guerres depuis la décolonisation, il est criant de voir à quel point la plupart des conflits furent internes, l’Etat voisin jouant très rarement le rôle de projet de guerre. Les conflits frontaliers se comptent sur les doigts de la main. Ainsi en est-il de la frontière entre la Libye et le Tchad, où la bande d’Aozou fit l’objet d’une attaque du colonel Kadhafi, souhaitant profiter d’un traité n’ayant pas été ratifié, à la fin des années 1970. Il est pour ainsi dire remarquable que malgré des frontières souvent créées ex nihilo, et dans un continent ravagé par les guerres, on ne compte qu’une seule partition, là où par exemple, l’Europe, non affectée par ces deux premiers constats, continue d’être l’objet de demandes d’indépendance. Le Soudan a ainsi dû céder une bonne partie de ses régions méridionales face à une rébellion souhaitant un meilleur partage des nombreuses richesses, notamment pétrolières, de la région. C’est ainsi que le Sud-Soudan est devenu indépendant en 2011, quête également souhaitée en de rares espaces du continent, comme en Cabinda (Angola).

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