Monde et mondialisation

La construction du Canal de Panama

L’idée de construction du canal de Panama constitua un défi d’importance stratégique à fin du XIXème siècle pour favoriser l’essor du commerce maritime mondial. Retour sur l’histoire de l’un des plus grands défis techniques de l’histoire moderne, mais aussi l’un des plus grands scandales financiers de la IIIème République Française.

Localisation du canal de Panama
Localisation du canal de Panama

Initié avec la conquête coloniale et amplifié avec la Révolution Industrielle, le commerce maritime mondial constitue au tournant du XXème siècle un enjeu majeur. Ainsi, nombreux furent les géographes et ingénieurs qui tentèrent de diminuer le temps de transport, par l’amélioration des flottes navales et la diminution des trajets. À l’époque, les marchands devaient emprunter le Cap Horn au sud de l’Amérique, un point de passage dangereux qui leur faisait faire un détour de plusieurs milliers de kilomètres. Dès l’époque où l’Espagne colonisa le continent, l’isthme de Panama fut repéré comme un point de passage possible à travers l’Amérique Centrale. En 1855, un chemin de fer est inauguré, reliant les Caraïbes au Pacifique.

Le Français Ferdinand de Lesseps, qui venait de mener les travaux de percement du canal de Suez, entreprit un projet visant la création d’une route au niveau de la mer. En 1878, c’est à sa Compagnie universelle du canal interocéanique de Panama de qu’est octroyée la responsabilité du chantier. Les difficultés vont cependant s’accumuler : les aléas climatiques, la fragilité géologique et surtout les maladies tropicales (notamment la fièvre jaune) tuent des milliers d’ouvrier, faisant augmenter considérablement les coûts de construction initialement prévus. En 1887, épaulé par Gustave Eiffel, Ferdinand de Lesseps se tourna vers un projet de canal à écluses, devant mieux s’adapter aux contraintes de la région. Malheureusement, devant le retard pris, la société fit faillite et éclata ce qui sera par la suite connu comme le « scandale de Panama ». Ce dernier était lié aux difficultés de financement de la compagnie de Lesseps pour mener à bien le projet. Alors que les coûts explosèrent, Lesseps dut lancer une souscription publique et une partie des fonds fut utilisée afin d’obtenir le soutien de journalistes et de personnalités politiques. Après la mise en liquidation judiciaire de l’entreprise, plusieurs politiques furent accusés de corruption et des milliers d’épargnants ayant investi dans des titres de la compagnie furent ruinés.

Soutenu par les États-Unis, le Panama obtint son indépendance vis-à-vis de la Colombie en 1903 et la concession française fut reprise par les Américains en 1904. Confrontés aux mêmes difficultés géologiques que les français, ils gardent le projet de canal à écluses. Il est alors proposé de condamner le Río Chagres (fleuve passant à proximité) par un barrage et d’inonder une partie du pays pour former le plus grand lac artificiel du monde, le lac Gatún. Pour éviter les mêmes déconvenues que Ferdinand de Lesseps, les Américains entreprirent des campagnes de vaccination des ouvriers. Dix ans plus tard, le 15 août 1914, le canal de Panama, de 77 kilomètres de longueur, est officiellement inauguré. Le Panama ne retrouva la souveraineté effective du canal qu’en 1999.

Quel avenir pour le canal ?

La création du canal de Panama a considérablement dynamisé le commerce maritime mondial, qui représente aujourd’hui 80% du commerce de marchandises, en accélérant des échanges interocéaniques et en diminuant les coûts de transport. L’afflux toujours plus massif de navires – environ 15.000 par an, soit 5 à 6% du trafic mondial – et l’augmentation de la taille des cargos rendirent nécessaire l’aménagement du canal : en 2006 un référendum consacra l’élargissement du canal, toujours en cours. Cependant d’autres routes viendraient concurrencer le canal : en Arctique, la fonte des glaces pourrait libérer des routes maritimes jusqu’ici inaccessibles, en Égypte où l’élargissement du canal de Suez a été achevé en 2015 et permet un tonnage des navires quatre fois plus important; ou encore au Nicaragua où un nouveau canal devrait être percé.

Lucas MAUBERT

Doctorant en Histoire à l'Université de Tarapacá (Chili). Diplômé de l'IEP de Rennes et de l'Université Rennes 2. Rédacteur pour Les Yeux du Monde depuis 2016.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *