Ex-monde socialiste

Les Soviets au Caucase : la Commune de Bakou

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Stepan Chahoumian, leader de la Commune de Bakou

Dans son chef d’oeuvre Chaos, l’auteur arménien d’Azerbaïdjan Shirvanzade décrit le Bakou de la fin du XIXème siècle. Fièvre du pétrole, lutte des classes, tensions ethniques… Shirvanzade montre une société au bord de l’éclatement. Une façon de préfigurer l’évènement majeur du Caucase Sud du XXème siècle : le passage de la région au communisme.

Bakou, ville soviétique

Lors de la Révolution d’octobre, les troupes russes quittent le front caucasien La région est alors laissée à son compte et doit s’auto-administrer, sans être pour autant indépendante. Cette indépendance arrive néanmoins le 24 février 1918 lorsqu’une Assemblée Constituante proclame la République de Transcaucasie, incluant la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaidjan actuels ainsi que les provinces de Kars et Ardahan. Toutefois, l’influence russe reste présente et un soviet est créé à Bakou. La capitale de l’actuel Azerbaidjan est en effet une ville multiculturelle (les Russes y sont majoritaires, les Tatars à peine plus nombreux que les Arméniens), et son économie largement basée sur l’industrie du pétrole. En découle une forte population ouvrière, extrêmement précaire et sensible aux discours bolchéviques.

Le soviet de Bakou refuse de reconnaître l’indépendance bourgeoise de la Transcaucasie. Il existe donc deux structures administratives, celle de l’Etat indépendant et celle du soviet, dirigé par Stepan Chahoumian, mais qui inclut des partis non-bolchéviques. La ville est en réalité dirigée par les forces armées locales, sur fond de tensions ethniques et de souvenir de la « guerre arméno-tatare » de 1905-1908. Les nationalismes se forment et celui des Tatars musulmans est de plus en plus hostile aux bolchéviques. Ces derniers, majoritairement russes et arméniens, s’appuient sur le parti-milice arménien Dachnaktsoutioun. Lors du soulèvement des nationalistes Tatars du Musavat, une guerre civile éclate, suivie de massacres de la population musulmane.

Le 26 mai 1918, la Géorgie déclare son indépendance de la Transcaucasie, avec l’aide de l’Allemagne. Le lendemain, ce sont les leaders Tatars qui proclament l’indépendance de la Transcaucasie orientale, en lui donnant le nom (impropre géographiquement) d’Azerbaidjan (qui désigne à l’origine le Nord-Est de l’Iran). Le 28, l’Arménie est contrainte de faire de même. L’indépendance de l’Azerbaidjan se fait avec le soutien ottoman qui espère s’implanter jusqu’à Bakou. Négociant avec la Géorgie et massacrant les populations arméniennes sur son passage, l’armée ottomane arrive aux portes de la ville. Le Soviet de Bakou est divisé : faut-il ou non accepter une aide britannique, en guerre également contre l’empire ottoman? Les consignes bolchéviques sont claires, la réponse est non, mais l’opposition accepte et emprisonne le groupe de Chahoumian. Finalement, les Ottomans prennent Bakou le 15 septembre 1918, mais l’empire déclare l’armistice le 30 octobre. Les Azéris sont désormais seuls.

Restructuration et soviétisation du Caucase

Il faut pourtant attendre 1920 pour que le Caucase devienne soviétique. Entre temps, les bolchéviques apprennent de leurs erreurs et s’appuient sur un leader communiste azéri, Nariman Narimanov. Celui-ci créé une structure bolchévique musulmane autonome. Les nouveaux soviétiques ont ainsi un azéri à leur tête, contrastant avec le groupe de Chahoumian principalement russes et arméniens.

Tandis que l’URSS et la Turquie s’entendent sur leurs frontières respectives, Bakou est prise par les soviétiques sans combat. Les musavatistes, réfugiés à Elizavetpol, lancent immédiatement une offensive mais sont vaincus par les soviétiques qui marchent vers l’Arménie. Celle-ci fatiguée de guerres incessantes contre les Turcs, les Azéris et accueillant de nombreux réfugiés précaires fuyant le génocide, se soumet le 2 décembre 1920. Peu après, Staline fomente une fausse insurrection en Géorgie et use de ce prétexte pour soviétiser le troisième pays du Caucase. En 1922, les trois anciennes Républiques font partie intégrante de l’URSS.

Le rôle des Caucasiens est fondamental dans l’histoire soviétique. Stepan Chahoumian, proche de Lénine et martyr communiste, a donné son nom à de nombreuses villes et régions d’Arménie et du Haut Karabagh. De nombreux cadres du parti sont originaires du Caucase : Staline et Beria pour les plus connus, tous deux de Géorgie, mais également le camarade Kamo, ou encore Mikoyan d’origine arménienne. L’histoire de cette périphérie géographique est donc intrinsèquement liée avec celle du centre.

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