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Qu’est-ce que le fascisme ?

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Benito Mussolini, premier fasciste à avoir obtenu le pouvoir dans les années 1920 en Italie.Tenter de définir le fascisme est un exercice périlleux. Contrairement aux deux autres grands courants de pensée politique, le libéralisme et le communisme, le fascisme est nébuleux, son idéologie bancale et fluctuante. C’est le mouvement du compromis et de la contradiction interne. Pour citer Pierre Milza, le fascisme est « un mouvement dont la spécificité est de faire prévaloir le fait sur la doctrine et de construire celle-ci sur une base composite ».

On peut distinguer trois fascismes différents, qui correspondent aux trois étapes distinctes qu’a pu franchir le mouvement dans l’histoire de son accession au pouvoir en Italie et en Allemagne.

Le premier est le fascisme révolutionnaire. Ce « fascisme des origines » se caractérise par son aspect ultra-minoritaire (il ne s’incarne pas encore sous cette forme dans un parti de masse). Idéologiquement, il « mange à tous les râteliers », car il se fonde pêle-mêle sur le syndicalisme révolutionnaire, l’anarchisme, le populisme, le nationalisme, sur un rejet conjoint de la bourgeoisie et de l’idéologie positiviste du XIXe siècle. Notons que le mouvement n’est pas nécessairement raciste ni antisémite (c’est d’ailleurs là une des différences fondamentales entre le fascisme mussolinien et le nazisme d’Adolf Hitler).

Le deuxième est le fascisme « conquérant ». Le point de vue est alors plus pragmatique, car l’objectif est la conquête du pouvoir. Le mouvement comprend alors l’intérêt d’une alliance (temporaire) avec la classe dirigeante économique, effrayée par l’instabilité et le péril communiste. A cette fin, le parti doit apparaitre moins subversif, son discours anticapitaliste se tempère. Ce changement lui permet à la fois de recevoir un large soutien financier (souvent en échange d’un rôle de « milice privée », une garde blanche au service des possédants comme dans la plaine du Pô par exemple) mais aussi d’opérer un recrutement plus large dans la population. Cette mue n’est pas évidente, et génère une confrontation naturelle entre les adhérents « historiques » du premier fascisme, adeptes d’un point de vue clairement socialisant et révolutionnaire, et la ligne « officielle » réactionnaire. Dans les faits, les premiers sont éliminés, dans le sang (l’exemple de la nuit des longs couteaux, qui voit l’élimination de la « vieille garde » des SA en Allemagne, est à ce titre frappant).

La dernière forme, c’est le fascisme au pouvoir, le fascisme totalitaire, celui du « rapport de communion fanatique entre les individus ». Il ne se met en place que progressivement, car il doit d’abord se débarrasser de ceux qui lui ont permis de prendre le pouvoir (la classe possédante). Dans ses débuts à la tête de l’Etat, le fascisme doit d’abord satisfaire ses anciens partenaires, avant de tenter de les évincer du pouvoir une fois le régime parfaitement installé. L’Allemagne y parviendra, l’Italie mussolinienne, elle, ne créera qu’un totalitarisme inachevé, notamment du fait de la présence extrêmement gênante du roi Victor-Emmanuel (on parle alors de la « diarchie » italienne). La base du fascisme totalitaire est donc double : les possédants d’un côté, exclus de la sphère politique mais prodigieusement renforcés au sein de leurs entreprises (le patron est « le führer de son entreprise »), et la petite bourgeoisie de l’autre, qui « prend les rênes » via les partis uniques (NSDAP en Allemagne, PNF en Italie) qui contrôlent tout l’appareil d’Etat.

Idéologiquement, ce troisième fascisme se caractérise à la fois par son totalitarisme (défini par Pierre Milza comme la « soumission totale de l’individu au pouvoir et à l’idéologie qu’il incarne », dans la sphère sociale et individuelle) et par son délire de « l’ordre nouveau », de « l’homme nouveau » qui se distingue de l’ancien pollué par un libéralisme décadent…

Sources :

Démocraties, totalitarismes et régimes autoritaires au XXe siècle, Serge Berstein et Pierre Milza

Fascisme français, passé et présent, Pierre Milza

Mussolini, Pierre Milza

Comprendre le fascisme, Renzo de Felice (un peu daté mais excellent)

Naissance de l’idéologie fasciste, Zeev Sternhell (pour aller plus loin, plus discutable dans ses thèses)

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