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Qu’est-ce que le protectionnisme ?

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Le protectionnisme est une politique économique qui vise pour un pays à se prémunir de la concurrence en limitant le volume de ses importations. Il n’est pas « bon ou mauvais », mais pluriel : défensif (mélinisme) ou éducateur (List, Hamilton) dans la stratégie, tarifaire ou non tarifaire dans la forme.

Arnaud Montebourg se veut l'apôtre du "patriotisme économique" et du "made in France" au gouvernement.
Arnaud Montebourg se veut l’apôtre du « patriotisme économique » et du « made in France » au gouvernement.

Longtemps, le protectionnisme fut la règle, le libre-échange l’exception, et si le traité libre-échangiste signé entre la France et le Royaume-Uni en 1860 est souvent cité en exemple, il n’est qu’un « îlot libéral au sein d’un océan protectionniste » (Bairoch, Mythes et paradoxes de l’histoire économique). A l’instar de Jean-Baptise Colbert (1619 – 1683), qui parlait déjà, sous Louis XIV, de « patriotisme économique » lorsqu’il doubla les taxes sur les produits anglais et hollandais (1667), nombre sont ceux qui mirent en œuvre des politiques protectionnistes ambitieuses.

Le protectionnisme est tantôt éducateur, lorsqu’il faut « protéger l’industrie dans l’enfance » (List, Systeme national d’économie politique, 1841) face aux pays industrialisés qui enferment les pays émergents dans une spécialisation défavorable, tantôt défensif (contre la crise économique), mais chaque fois, il tente de protéger. Pourtant, dans ce dernier cas, et lorsqu’il se généralise, le protectionnisme semble davantage exposer, en aggravant la dite crise.

Ainsi, la guerre des tarifs fait bientôt le lit de la guerre tout court : le conflit entre la France et la Hollande de 1672 à 1678 suivit les tarifs de Colbert, les tarifs protectionnistes de la Grande Dépression (Bismarck en 1882 suites aux pressions des propriétaires fonciers et des sidérurgistes, Méline en 1892 suite aux pressions du monde agricole) firent reculer les échanges et conduisirent à la Première Guerre mondiale ; ceux qui suivirent la crise de 29 (préférence impériale en Grande-Bretagne, Buy American Act aux Etats-Unis, etc.) ne tardèrent pas à empirer la crise et à exacerber les tensions commerciales puis politiques, jusqu’a la Seconde Guerre mondiale.

Alors promis, juré, disent les grands pays à Bretton Woods (1944), ils ne se laisseront plus rattraper par leurs vieux démons. L’émergence d’un monde pacifique semble aller de pair avec un monde libre-échangiste, puisque « l’effet du commerce est de porter à la paix » (Montesquieu). Ainsi nait un système monétaire et commercial (le GATT puis l’OMC) qui tentera de refreiner les tentations protectionnistes. Mais cette réglementation est vite contournée par le biais d’outils nouveaux, non tarifaires : mesures anti-dumping (Trade act américain en 1974), normes (interdiction de la vente de jouets chinois en Inde), manipulations monétaires (sous-évaluation du yuan depuis 1994), résurgences des accords bilatéraux (projet d’accord de libre-échange transatlantique dernièrement).

En fait, c’est le régionalisme qui semble être le meilleur substitut au multilatéralisme. Face à la concurrence internationale, il semble qu’il faille Maitriser le libre-échange (Lafay et Siroen, 1994), et opter pour un libre-échange d’intensité variable, qui, en réduisant le nombres de joueurs, réponde à la demande de loyauté dans les échanges, favorisant l’institution de règles et permettant d’approfondir la coopération. Le protectionnisme – réaction symptomatique face à un climat d’incertitude et de peur instauré par la crise – véhicule la défiance, tandis que le régionalisme instaure la confiance. L’effet de création de commerce l’emportant ainsi sur l’effet de détournement (Jacob Viner), le régionalisme est donc un optimum de second rang (second best), plus réaliste que le libre-échange pur, sans once de protection, et moins dangereux que le seul protectionnisme, qui exclut la coopération et exacerbe les tensions.

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