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En Amérique centrale, la crise des réfugiés oubliée

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Caravane de migrants issus du Triangle Nord, à la frontière mexicaine
Caravane de migrants à la frontière mexicaine

Si l’attention médiatique a été essentiellement portée sur la crise des réfugiés en Europe, l’Amérique latine n’est pas en reste. Depuis 2015, des milliers de demandeurs d’asile et de réfugiés tentent de rejoindre les Etats-Unis. Il s’agit de la crise des réfugiés du « Triangle Nord » (Honduras, Guatemala, Salvador).  Ces derniers s’ajoutent au mouvement de déplacement force lié à la crise vénézuélienne qui a généré  près 4,5 millions de déplacés.

Une hausse sans précédent des déplacements forcés dans le Triangle Nord 

Plus de 400 000 réfugiés et demandeurs d’asiles sont originaires du Triangle Nord. Si ce chiffre semble minime en comparaison des 79,5 millions de déplacés de force dans le monde, sa croissance inquiète. Ces dernières années le nombre de demandeurs d’asile et réfugiés a cru a un taux de plus de 10% par an. De même, le continent américain a été le lieu où le plus de demandes d’asile ont été déposées en 2019. En cause, la dégradation de la situation sécuritaire interne dans les pays d’Amérique centrale. Les ressortissants du Triangle Nord fuient ainsi les extorsions, la violence des gangs (maras), les recrutements au sein des réseaux de criminalité (gangs, prostitution). Le Salvador a par exemple été classe en 2015 « pays le plus dangereux au monde hors zone de guerre ». A cela s’ajoutent les causes économiques, liés à des problèmes structurels (pauvreté, inégalité, mauvaise allocation des revenus).

Des dynamiques migratoires mixtes et peu médiatisées

La multitude des causes de départ et l’utilisation des mêmes routes par les migrants, demandeurs d’asile et réfugiés  sont caractéristiques des « mouvements mixtes ». Une même personne peut fuir un lieu pour un autre pour des raisons combinées, relevant de l’asile ou non. Cela complexifie le traitement de ces personnes,  pour les Etats d’accueil, les structures humanitaires et les médias.

En outre, si cette région est connue pour des phénomènes de violence interne, le nombre de déplacés dans les années 1980-1990 n’a jamais été aussi élevé qu’aujourd’hui. Cela contraste avec la faible médiatisation de ce phénomène. Les caravanes de migrants ont toutefois attiré l’attention de la presse internationale en 2018. Les pays du Triangle Nord tentent de minimiser le lien de causalité entre ces déplacements et la situation sécuritaire. Ceci contribue à l’invisibilisation de la crise des réfugiés du Triangle Nord. Nombre d’entre eux relèvent cependant de la protection internationale au sens de la Convention de Genève.

Une réponse à la crise des réfugiés du Triangle Nord tributaire de la politique états-unienne

Face a cet afflux de population, les Etats-Unis ont adopte une approche restrictive. Loin de voir dans le développement la solution à la limitation des départs, le Président Trump a annoncé la diminution des aides financières pour les pays du Triangle Nord. En outre, déjà sous la présidence Obama, des politiques restrictives se reposant sur le Mexique comme verrou ont été mises en place. En 2014, le plan « frontière sud » visait initialement la protection et sécurité des migrants à la frontière sud du Mexique. Il a favorisé l’approche sécuritaire plutôt qu’humanitaire via des opérations de contrôle et des violations multiples des droits de l’homme.

Plus récemment, l’accord signé par les Etats-Unis avec le Mexique constitue une illustration supplémentaire de cette politique répressive. Le Mexique ainsi déployé 6000 militaires à la frontière sud. De même, loin d’externaliser l’asile, les Etats unis gardent la mainmise sur le processus d’asile. Les demandes de personnes se trouvant sur le territoire mexicain sont traitées par les tribunaux américains. La gestion des flux de déplacés par le Mexique apparaît ainsi guidée par les Etats-Unis dans une région pourtant pionnière en matière d’asile, à l’image de la Déclaration de Carthagène sur les Réfugiés en 1984.

Face à la politique répressive états-unienne, d’autres réponses s’organisent. Le HCR favorise par exemple une approche qui se veut innovante axée sur la résilience et non la simple aide humanitaire à travers le Cadre global de protection et de solutions régionales mis en œuvre avec 7 pays de la région (*).

De même la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes des Nations Unies a proposé un « Plan de développement intégral » pour les pays du Triangle Nord. Ce projet vise un changement de paradigme en s’attaquant aux sources des déplacements. Il s’agit également de mobiliser les institutions régionales, multilatérales et les partenaires internationaux. Cette logique est également favorisée par le Mexique, qui ne peut toutefois se défaire des aides financières reçues de son voisin. Ces initiatives ne pourront constituer une réponse à la crise des réfugiés du Triangle Nord seulement si le Mexique, use de son rôle de verrou comme d’un outil diplomatique f.

(*) Salvador, Belize, Guatemala, Honduras, Mexique, Panama et Costa Rica.

Sources

IRIS, L’Amérique latine, centre de gravité des déplacements forcés

UNHCR, Rapport Tendances mondiales 2019

L’Opinion, Crise migratoire : au tour de l’Amerique centrale

The conversation, Derrière les caravanes de migrants d’Amérique centrale, des pays à bout de souffle

L’Express, La caravane des migrants: du Honduras vers les États-Unis

Amnesty International, Amerique centrale : l’autre crise des refugies

Igarape Institute, Europe’s refugee crisis is making headlines, but Latin America’s is just as alarming

France Info, Une imposante caravane de migrants s’est constituee en Amerique centrale, direction Etats-Unis

Amnesty international, Crise mondiale des Refugies de l’esquive au partage des responsabilités

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